"Glorifiez Dieu dans votre corps".
28 juin 2014« GLORIFIEZ DIEU DANS VOTRE CORPS » ( 1Co 6,20)
« Glorifiez Dieu » c’est-à-dire honorez Dieu, manifestez Dieu, dans votre corps. Pour comprendre cet appel de Paul, il nous faut d’abord évoquer la structure de notre être de personne humaine.
Pour nous, occidentaux le « corps » désigne notre aspect visible, palpable, par opposition à l’âme spirituelle. Le corps serait possédé par l’âme à laquelle il est inférieur et qu’il peut desservir. Nous sommes en cela héritiers de la culture grecque. Le philosophe Platon qualifiait le corps de « prison de l’âme », à la faveur d’un rapprochement de deux mots de grec « Soma » qui veut dire « corps » et « sema » prison.
Pour un Juif il en est autrement. Corps et âme sont profondément unis. Ils désignent l’être humain dans sa totalité, la personne capable de réfléchir, décider, aimer, prier. L’auteur du psaume 62 dit : « Seigneur, ma chair te désire » autrement dit « Tout mon être te désire ». Lorsque Jésus dit : « ceci est mon corps », il veut dire « ceci est moi ». Nous sommes inséparablement corps et âme. Il n’y a pas d’âme spirituelle sans corps, il n’y a pas de corps humain vivant sans l’animation d’une âme spirituelle. Corps et âme spirituelle sont les deux dimensions, inséparables, de la personne humaine. François Varillon écrit : « Le corps et l’âme sont aussi liés l’un à l’autre dans l’acte même d’exister que le son et le sens dans l’acte de parler. De même que la parole est indivisiblement son et sens, de même, tout aussi indivisiblement, l’existence humaine est corps et âme. L’âme n’est jamais sans le corps, le corps n’est jamais sans âme… le corps est l’expression même de l’esprit et l’esprit n’est rien indépendamment de cette expression ou manifestation » (Joie de croire, joie de vivre p. 180).
Tout ce que nous vivons est indissociable du corps. C’est par lui que nous travaillons, entrons en relation avec les autres, manifestons nos sentiments, exprimons notre intériorité, avec lui que nous prions. Il est le lieu d’une expression spirituelle. Il y a un lien incassable entre corps et âme. Bernard Sesboué écrit : « En vérité nous n’avons pas un corps, nous sommes notre corps » (Croire p. 310). La grandeur du corps humain nous est dite aussi par le fait que le Fils éternel de Dieu ait pris corps humain par lequel Il s’est fait le vis-à-vis des hommes, par lequel Il s’est fait notre frère. Au 2ème siècles le philosophe Celse, disciple de Platon, s’inquiétait de voir les adeptes de la nouvelle religion célébrer un Dieu incarné et se moquait des Chrétiens en les désignant comme « le peuple qui honore le corps ». Jésus, qui s’est fait l’un de nous, fait de nous, corps et âme, les membres de son corps. St Paul écrivait aux Corinthiens : « Vous êtes le corps du Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part » (1 Co 12,27) et il ajoutait : « Le corps est pour le Seigneur » (1 Co 6,13), c’est-à-dire pour être la demeure du Seigneur. Il écrivait encore « Ne savez-vous pas que le corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous » (1 Co 6,19). Dignité du corps humain ! « Glorifiez Dieu dans votre corps ».
Dans la vie quotidienne nous sommes appelés à vivre sous le signe de l’amour de Dieu et des autres, du don, du partage, à l’image de Dieu. Ces sentiments s’expriment par le corps. Celui-ci ne doit être expression que de sentiments nobles. Le regard ne doit jamais exprimer le mépris et encore moins la haine… mais toujours le respect, la confiance. Les mains ne doivent pas exprimer le rejet, la violence… mais toujours l’accueil, le don, la solidarité, la franchise. La langue ne doit jamais exprimer le mensonge, la médisance, la calomnie… mais toujours la vérité, la loyauté, la bonté. St Paul écrivait aux romains : « Il ne faut pas que le péché règne dans votre corps mortel… ne mettez pas les membres de votre corps au service du péché pour mener le combat du mal, mettez-vous au contraire au service de Dieu comme des vivants revenus de la mort et offrez à Dieu vos membres pour le combat de la justice » (Rm 6,12.13 »). Mettons notre corps au service de la volonté de Dieu.
Vatican II enseigne : « C’est donc la dignité même de l’homme qui exige qu’il glorifie Dieu dans son corps, sans se laisser asservir aux mauvais penchants de son cœur »(G.S. 14). Il est un point particulier où l’appel de Paul à « glorifier Dieu dans notre corps » s’applique : l’union des corps dans l’union conjugale. L’union des corps ne doit jamais exprimer l’utilisation égoïste de l’autre comme objet de plaisir, mais toujours le respect…non la domination de l’autre mais le service de l’autre…non la prise de possession de l’autre mais toujours le don, l’engagement total envers l’autre. D’ailleurs l’union des corps n’est expression de ces attitudes que si ces attitudes de respect, de service, de don, d’engagement sont vécues dans la vie quotidienne. En Dieu est vécu un mouvement continuel de don, d’accueil, de partage. L’être humain, homme et femme, est appelé à vivre à l’image de Dieu le don, l’accueil, le partage, un amour sans cesse donné, reçu, partagé. Homme et femme ont à vivre toute la vie conjugale à l’image de ce qui est vécu en Dieu.
Jean-Paul II, qui a beaucoup œuvré à développer une théologie du corps, a même dit : « Le corps, et lui seulement, est capable de rendre visible ce qui est invisible : le spirituel et le divin. Il a été créé pour transférer dans la réalité visible du monde le mystère caché en Dieu de toute éternité et en être ainsi le signe ». (Catéchèse donnée le 20 février 1980). « Glorifiez Dieu dans votre corps ». Il faut souligner la place et l’importance du corps dans la liturgie : se mettre debout pour accueillir la Parole de Jésus qui nous ressuscite. S’asseoir pour écouter. Lever les mains pour acclamer… Donner généreusement de sa voix pour chanter la foi et la louange. Avancer pour signifier que nous allons à la rencontre du Seigneur. « faire de sa main gauche posée sur sa main droite un trône pour accueillir notre roi » (St Cyrille de Jérusalem – 5ème siècle). S’incliner en signe de respect. Se frapper la poitrine en signe d’aveu de son état de pécheur. Faire le signe de la croix pour accueillir l’amour de Dieu, Père, Fils et Esprit, manifesté sur la croix. Fermer les yeux pour intérioriser… Accomplir ces gestes avec application, foi et amour, est évidemment une manière de glorifier Dieu dans notre corps.
Lors de la célébration des sacrements tous les rites disent l’action du Seigneur qui agit dans la personne, corps et âme, pour la renouveler, la sanctifier, la sauver, la fortifier. Dans la liturgie encore, lors du dernier adieu, le corps est encensé en signe de respect pour ce qui a été la demeure de Dieu. Le philosophe Celse s’indignait : « de voir les adeptes de la nouvelle religion accorder dignité jusque dans la mort à une dépouille physique ». La dignité du corps est encore proclamée par sa vocation à ressusciter. Jésus ressuscité n’est pas un esprit. La résurrection concerne la totalité de sa personne, y compris son corps. Le point est d’une importance décisive pour nous, car la résurrection de Jésus annonce la nôtre. Dieu ne saurait abolir notre structure humaine, corps et âme, il ne peut que la conduire à son accomplissement. Dans le « Je crois en Dieu » nous affirmons « Je croix à la résurrection de la chair », ce qui signifie croire à la résurrection de la personne, corps et âme spirituelle. Nous affirmons une espérance qui va au-delà de la notion d’immortalité de l’âme, mais qui concerne la réalité corporelle. B. Sesboué écrit : « la résurrection de Jésus ouvre sur une réalisation du salut qui va de son corps aux nôtres pour les conduire à la résurrection finale. Elle est promesse de la résurrection de la chair » (Croire p.526). Il y a un lien incassable entre corps et âme. Ce lien est appelé à durer au-delà de la mort. « L’annonce de la résurrection de la chair signifie que l’homme sera sauvé dans tout ce qu’il est ». (La croix 2-3 novembre 2002). Tout ceci nous dit le respect que nous devons avoir du corps, le nôtre et celui des autres. Le catéchisme de l’Eglise catholique enseigne : « Il est interdit à l’homme de dédaigner la vie corporelle mais au contraire il doit estimer et respecter son corps qui a été créé par Dieu et doit ressusciter au dernier jour » (364).
Toutefois respect du corps ne signifie pas idolâtrie du corps. Le C.E.C. enseigne : « si la morale appelle au respect de la vie corporelle… elle s’insurge contre une conception néo-païenne qui tend à promouvoir le culte du corps, à tout lui sacrifier, à idolâtrer la perfection physique et la réussite sportive » (2 289). Le respect du corps appelle chacun à entourer sa personne de pudeur, d’une certaine manière de s’habiller, de se présenter, attitude qui exprime le respect et qui impose le respect. Le C.E.C. enseigne : « Il existe une pudeur des sentiments aussi bien que des corps. Elle proteste par exemple contre les explorations « voyeuristes » du corps humain de certaines publicités ou contre la sollicitation de certains médias à aller trop loin dans la révélation de certaines confidences » (2 524). Chacun doit prendre soin de sa santé de diverses manières… et en faisant du sport. Vatican II : « que les loisirs soient bien employés, pour se détendre et pour fortifier la santé de l’esprit et du corps… par des exercices physiques et des activités sportives qui aident à conserver un bon équilibre psychique, individuellement et collectivement ». (G.S 61) Un esprit sain dans un corps sain ! Parfois à la fin de la messe nous prions ainsi : « que cette Eucharistie renouvelle nos esprits et nos corps ».
Père Michel MARIE