JESUS REPOND : « A VIN NOUVEAU, OUTRES NEUVES »

( (Marc 2, 22)

Adages et sentences, dictons et proverbes abondent dans toutes les Saintes Ecritures, la Bible. Ils constituent un véritable socle pour l’édification de la Sagesse. Ils sont un réel vivier pour nourrir la vie spirituelle Ils sont un authentique lieu de réflexion pour un bon discernement, un tremplin pour le goût de vivre et le vivre ensemble. C’est au nombre de ces propos de sagesse qu’il conviendrait d’inscrire ce verset qui est extrait du premier des évangiles synoptiques . Saint Marc 2, 22 : « A vin nouveau, outres neuves. » Le contexte scripturaire de cette affirmation de Jésus est une controverse et une polémique autour du Jeûne et des observances rituelles de la « Tradition de Moïse » En effet, l’évangile selon saint Marc rapporte qu’un jour, les disciples de Jean Baptiste et les pharisiens interpellèrent Jésus en ces termes : « Pourquoi, alors que, les disciples de Jean et les disciples des pharisiens jeûnent, tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » Par une métaphore inattendue, Jésus leur dit qu’il serait inadéquat et inapproprié que les invités à la noce se mettent à jeûner alors même qu’ils seraient à table avec les mariés. Puis, poursuivant son enseignement, Jésus déclare : « Personne ne coud une pièce d’étoffe neuve à un vieux vêtement ; sinon le morceau neuf qu’on ajoute, tire sur le vieux et la déchirure est pire. » citation de la TOB. Dans sa traduction, CHOURAQUI propose ceci : « personne ne jette un vin nouveau dans de vieilles outres, sinon le vin fait craquer les outres, le vin est perdu et les outres aussi. Mais à vin nouveau, outres neuves. » (Mc 2, 22).La réponse de Jésus trace pour nous plusieurs pistes d’interprétation enrichissante à plus d’un titre.

La première est une approche historique, culturelle et cultuelle. Elle nous démontre que le vin occupait déjà une place importante dans la « halahka, les lois et traditions juives » Par ailleurs, sur le plan exégétique, signalons simplement que, si la Bible offre un lumineux cheminement dans la connaissance de Dieu et du divin, elle ne parle pas moins du vin dans toutes ses connotations. Selon une étude de Jean-Michel Paulus, la Bible contient trois cent quarante références et occurrences sur le vin et la vigne. Pour l’auteur du Siracide, par exemple « Le vin est comme la vie pour l’homme, quand on boit modérément. Aussi bien fût-il crée aux origines pour apporter la joie. Le vin apporte allégresse du cœur et joie de l’âme, quand on le boit à propos et juste ce qu’il faut. » (Siracide 31,27-28)

Qui ne se souvient de l’évènement évangélique des Noces de Cana en Galilée ? (Jn2, 7-9) Devant la pénurie, Jésus y ordonna aux serviteurs du banquet, de remplir d’eau les cuves, jusqu’au bord. Puis, il leur demanda d’en puiser et d’en porter au maître du repas. L’eau se changea en vin, le meilleur de toute la fête. (Jn2, 10) Il n’est donc pas outrancier d’affirmer que la Vie de Jésus est allée, de la transformation de l’eau en vin à la transsubstantiation en passant par la prédication de la conversion. (Jn 2, 1-12/ Lc 22, 14-20/ Mt 4, 17) Cette conversion est avant tout une transformation profonde, un changement vital auquel Jésus n’a de cesse d’inviter les cœurs et les esprits de tous les hommes et femmes désireux de progresser. Cette conversion n’est nullement théorique. « A vin nouveau, outres neuves. » Ces paroles de Jésus ont un retentissement concret.

La deuxième interprétation que nous percevons est une véritable approche pragmatique. Une leçon des choses pour ainsi dire, un ancrage dans la réalité. Un appel à l’authenticité. Car une outre qui a déjà servi une fois à garder du vin n’était plus utilisée pour en recevoir de nouveau. Une deuxième fermentation la faisait éclater. Il fallait bien en tenir compte pour ne guère tout perdre ; vase et vin. Ce conseil de sagesse qui consiste à mesurer le risque, à soupeser les conséquences dans la balance de la vie quotidienne, revient souvent dans l’enseignement de Notre Seigneur et Maître Jésus. Les exemples sont légion. L’appel à bâtir sur le roc dans LUC 6, 47. Le conseil de recherche d’un compromis avec son ennemi et de réconciliation à son avantage dans MATTHIEU 5, 25-26.

L’étonnant exemple paradoxal du gérant malhonnête dans Luc 16, 8ss.

Certes, de nos jours, les techniques de traitement et de production de vin ont bel et bien changé. Mais l’esprit dans lequel s’exprimait le Seigneur Jésus, pour ces hommes et femmes de bonne volonté, révèle le sens de l’observation et son amour de la lucidité concernant l’application concrète des recommandations légales. Mais également, son acuité ou son sens de discernement. Toutes choses ayant une haute valeur théologale pour notre temps et pour tous les hommes et femmes de bonne volonté.

En outre, selon une approche prophétique, l’affirmation de Jésus : « A vin nouveau, outres neuves » voudrait également dire que Jésus instaure, par sa venue sur terre et sa résurrection, une nouvelle époque. Une saison des temps nouveaux dont les gens attentifs devraient déchiffrer les signes précurseurs. Non seulement comme l’enseigne Qohéleth : « Il y a un temps pour tout et un temps pour chaque chose sous le soleil. (3, 1-2) Mais plus encore, avec Jésus les temps de Dieu sont à pleine maturité et ne demandent qu’à être moissonnés ou plus exactement à être vendangés. (Jn 4, 35-37)

Jésus accepte d’incarner la figure prophétique de Celui qui rend obsolescentes les outres de l’Histoire Ancienne pour une Alliance Nouvelle scellée dans le Sang de l’Agneau pascal versé dans la grande outre de la Bonne Nouvelle. Chacun alors est invité, quelle que soit son histoire, à laisser là, comme le fit la Samaritaine, l’outre encombrée de son péché pour s’abreuver à la source intarissable de la Miséricorde divine, de sa Paix et sa Joie inaltérables.

 

À quoi donc cela peut-il encore bien servir

De remplir sans fin l’outre fêlée des chagrins

Par le vinaigre des rancoeurs et des aigreurs ?

Puisque chaque jour est un présent pour demain

Puisque perverses conseillères sont les peurs

Voici des outres neuves remplies d’avenir.

 

À quoi donc cela peut-il encore bien servir

De rouler sans fond le tonneau de soi-même

Sur la pente ontologique et son emblème ?

Puisqu’au puits des autres, un appel à mûrir

Puisqu’au fil des autres, source d’Humanité

Voici des outres prophétiques d’Unité.

À quoi donc cela peut-il encore bien rimer

De courir sans fin l’enclos de ses impasses

Et se fendre l’âme à écumer, à trimer ?

Pour que se fiancent les nuances d’Alliance

Pour que se danse l’enthousiasme à aimer

Voici des cruches gorgées d’un vin d’audace.

 

À quoi donc cela peut-il encore bien rimer

De tenir sans cesse l’anse de tristesse

Et de boucher le vase troué du néant ?

Pour qu’à l’allégresse, chacun s’intéresse

Pour qu’en son honneur, il fasse un pas de géant

Voilà l’œuvre à essaimer, sans s’accoutumer.

 

 

Père Jean-Parfait CAKPO

 

Edito du mois d'avril.
Retour à l'accueil