Edito de Mars.
02 mars 2018« …IL S’EST ABAISSÉ… » Ph2, 8.
Les grands mystères fondateurs de la religion catholique atteignent leur sommet dans les différentes célébrations liturgiques, solennelles et festives qui mènent à Pâque. Celle-ci s’ouvre par ce qu’on appelait autrefois à Jérusalem, dès le IVe siècle, la « Grande Semaine» ou bien La « Semaine Sainte » qui couronne les jours de carême. La semaine qui commence par la bénédiction et la procession du dimanche des rameaux et de la Passion. Elle se poursuit le Mardi saint par la messe Chrismale (Messe des Saintes Huiles), le Jeudi saint par la Sainte Cène, le vendredi saint par le chemin de Croix, et le samedi soir par la grande Veillée pascale. Mais toute cette longue et vertigineuse dévotion cultuelle ne doit pas faire oublier l’unique socle qui en éclaire la source et l’intelligence : JÉSUS LE CHRIST. C’est lui qui donne sens et consistance à nos démarches spirituelles dans toutes leurs ramifications. Elles sont instructives et pédagogiques pour les cœurs et les intelligences qui cherchent à comprendre Jésus et sa vie. C’est en proposant une synthèse de catéchèse sur celle-ci que l’épître aux Philippiens écrit ses mots : « Il s’est abaissé. »
QUELQUES PRÉCISIONS UTILES. Il est bon de savoir que le contexte scripturaire est double. Il s’agit, d’une part, de l’épître aux Philippiens bien évidemment et, d’autre part, d’un hymne ancien connu dans les premières communautés pour les prières et les louanges. Selon les exégètes et les historiens, c’est à Philippes que, pour la première fois, Saint Paul avait prêché l’Évangile en « Europe. » En l’an 49 ou 50, venant de Troas, l’Apôtre des Nations, a pu fonder cette Église et y a baptisé plusieurs personnes. (Ac15-16 ; ph4, 15-16) Mais au moment où il écrivait cette lettre apostolique et pastorale, Saint Paul était en prison. (2Co11, 8-10/ 1Th2,.9/ Ac16) Pourtant, il adresse des conseils profonds et exhortations affectueuses aux Chrétiens en leur demandant de garder l’esprit d’unité, par l’amour, la compassion et la communion dans l’Esprit Saint. Mais plus encore, saint Paul va jusqu’à écrire : « Ne faites rien par rivalité, rien par gloriole, mais avec humilité. » (Ph2, 3a) C’est sans doute ici, par ce mot d’humilité que nous approchons le cœur de l’exhortation de l’apôtre de Tarse. Bien loin de fonder ces demandes sur son seul désir, il leur donne une base et une charpente incontournables : l’exemple par excellence que constituent la vie et le mystère de Jésus. Voilà pourquoi sa plume continue en ces termes : « Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ. » (verset 5) MAIS QU’A-T’IL DONC FAIT JÉSUS ? La réponse du texte est : « Il s’est abaissé. »
REGARDS SPIRITUELS ET THÉOLOGIQUES
Alors même qu’il est de condition divine à l’instar de Dieu le Père, Il s’est abaissé. Il n’a pas revendiqué, il n’a pas estimé comme une proie à saisir, il n’a pas retenu jalousement le droit d’être l’égal de Dieu. Mais IL s’est fait humble. Il n’est nullement exagéré de considérer que ce court verset éclaire de l’intérieur tous les chemins des mystères du Christ. Dans le Mystère de l’Incarnation, ou de la Nativité, nous célébrons ce Dieu qui s’est abaissé dans le visage d’un petit enfant. (Noël)
Dans le mystère de l’Eucharistie, (la messe) Jésus s’est abaissé pour se donner à chacun et chacune. Comme au Jeudi Saint, lors de ce repas sacré pendant lequel de façon inattendue, Jésus se lève de table et se mit à laver les pieds de ses disciples (Jn 13,1-20) Mais le degré d’abaissement auquel parvient Notre Seigneur et Sauveur Jésus devient déroutant et abyssal lorsqu’on médite sa Sainte Passion, sa crucifixion et sa mort sur la croix. (Jn18, 1ss-19/ Mt27,1-28,1/ Mc14,1/ Lc 22,47-23)
Ici les théologiens parlent de « Kénose ». Un concept grec (kénôsis) qui signifie action de rendre vide, acte d’anéantissement. Ce terme nous pousse à traduire littéralement le verset de notre méditation par : « Jésus s’est vidé. » Il s’est anéanti. En prenant la condition d’esclave, de serviteur, de paria, de celui dont on se détourne, car il n’avait plus d’apparence humaine. (Isaïe 52,14)
Plus finement encore, cet adjectif grec kenos nous suggère aussi l’idée que Jésus par sa vie et sa mort a anéanti tout le mal qui pèse sur la destinée humaine. Jésus a rendu vaine la peur de la mort, nulle la condamnation de l’Accusateur, stérile la culpabilité destructrice, obsolète la vision d’apothicaire dans la relation à Dieu le Père.( Col 2,11-18) Jésus élève l’humilité au rang des grandes vertus et lumières de la vie spirituelle et intellectuelle. Bien sûr, déjà dans le premier Testament, l’orgueil est considéré comme un grand péché. (Ps18) et parmi les six choses que Dieu n’aime pas, le livre des proverbes citait déjà le regard hautain. (Pr6, 16) Mais la puissance de la nouveauté dans l’enseignement du Christ est, qu’il appelle de notre part, une conversion de l’idée que nous nous faisions de Dieu. L’humilité est la première des Béatitudes. (Mt5, 3) Elle est un chemin de sainteté. (Exemple : La « petite voie » de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de la Sainte Face.) Elle est le fondement de la prière (Luc 18,9-14) La condition pour être exaucé de Dieu. « Car Il s’oppose aux orgueilleux, mais aux humbles il accorde sa grâce. » (1P5, 5-6). Elle est enfin l’une des clés de compréhension de la résurrection : en vérité Dieu l’a ressuscité, élevé, exalté, glorifié en lui conférant le nom qui dépasse tous les noms sur terre comme au ciel parce- qu’il s’est abaissé (Ph 2,9-10).
N’est-il pas superflu de dire que l’humilité n’est nullement synonyme de la fausse modestie, de l’apparente sobriété du radin ou de la dévalorisation de soi. Elle est plutôt la vérité de l’être. Vérité de celui qui se reconnaît comme créature de Dieu et donc de belle et éternelle dignité. Et comme tel, il ne se proclame pas comme sa propre source : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi t’enorgueillir comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1Co4, 7) se demande le prédicateur des Nations.
Enfin, l’humanité et l’humilité du Christ constituent une Bonne Nouvelle pour tous. Qui que nous soyons, quel que nous soyons. Car, il est descendu plus bas que terre pour devenir le levier de toute personne et le tremplin de tous celles et ceux qui lui font confiance. Il les élève jusqu’à la gloire de la Résurrection.
Au crépuscule du jour de la sainte Passion
Jusqu’au calvaire son âme en bandoulière
Il a planté une Nouvelle Lumière
Dans le Ciel de l’Amour et sa constellation.
À l’aurore du jour de la Résurrection
Jusqu’en leur cœur le Message sans frontière
Dont ils sont destinataires et pépinières
Pour toute la Création, vraie Libération
Au fil du soir du jour de la Résurrection
Jusqu’au bout de tous leurs doutes et de leur route
Il fait s’étoiler leur nuit. Ô sacrée Fraction !
Dans leur regard sans retard, vraie clé de voûte.
Au long des soirs et des jours des apparitions
Jusque dans l’humour d’une vraie consécration
Leurs yeux voyaient son corps, leurs cœurs ne croyaient pas
Leurs cœurs croyaient ce que leurs yeux ne voyaient pas.
Au fil du temps et au long des apparitions
Jusqu’au large de tous ces seuils ineffables
Ils ont assumé devant toutes les Nations
Dans l’Esprit des missions incommensurables.
Père Jean-Parfait CAKPO