«…DIEU DES VIVANTS. » Luc 20,38

 

             Une histoire imaginaire et burlesque, des échanges tendus, un sujet clivant, une question piège, un contexte polémique. Ce sont là quelques-unes des portes à franchir avec des clés à détenir et à tenir pour mieux pénétrer au cœur de cette affirmation majeure de Jésus dans les Évangiles synoptiques.(Mt22,23-3/Mc12,18-27/Luc 20,27-38) La citation complète du titre est en ces termes : « Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants, car tous sont vivants pour lui. » (Bible TOB) Mais dans la version de la Bible de Jérusalem, (BJ), la nuance fait écrire : « Or, leur dit Jésus, Il n’est pas un Dieu de morts, mais de vivants ; tous en effet vivent pour lui." Nous affirmions plus haut qu’il y avait une histoire burlesque parce que le groupe religieux de l’époque de Jésus qu’on appelle les Sadducéens, récuse l’idée même de la résurrection des morts. Pour tourner cette croyance en dérision, ils soumettent à Jésus un véritable « cas d’école » totalement invraisemblable. C’est l’histoire de la femme sept fois veuve dont les époux successifs sont tous des frères. (Luc20, 27-33) Pour finir, les sadducéens posent à Jésus la  question piège : « Alors au jour où les morts se relèveront, de qui sera-t-elle donc la femme ? Car tous les sept l’ont eu comme épouse ! » Le contexte est plutôt à la suspicion. Saint Luc écrit clairement ces mots : « Les scribes et les chefs des prêtres cherchaient à mettre la main sur Jésus…Ils se mirent à le guetter et lui envoyèrent des espions. Ceux-ci jouent le rôle d’hommes justes pour le prendre en défaut en le faisant parler.» (Luc20, 20) Dans sa réponse, Jésus procède par étapes :

Premièrement, Jésus rejette sans ambiguïtés les représentations grotesques populaires et rabbiniques des négateurs de la résurrection. Il affirme qu’il y a tout de même une différence radicale entre la vie terrestre et la vie éternelle à laquelle ont accès les morts. Jésus utilise des expressions antithétiques comme : « Ce monde ci » différent « du monde à venir » Les enfants de ce monde ci se marient mais pas ceux du monde à venir car ils sont « comme des anges » déclare le Seigneur. En entrant dans le monde de Dieu, ils ont accès à l’immortalité. « Et l’immortalité supprime la procréation. »(CLAUDE TASSIN) Ainsi, la résurrection des morts est loin d’être un retour en arrière, à la vie d’avant. Elle est plutôt une transformation radicale, une création nouvelle de l’être, une entrée dans la splendeur divine, une participation à l’éclat de la gloire divine, un accès à la lumière sans déclin de «la cité qui n’a besoin ni du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine et son flambeau, c’est l’agneau. » (Ap21, 23)

Deuxièmement, Jésus fonde la vérité de la résurrection des morts sur  un argument théologique et une lecture rabbinique : C’est-à-dire qu’il se réfère aux  Écrits dans le Livre de l’Exode (3,6ss). Et surtout, Jésus s’emploie à éclairer ses auditeurs et contradicteurs en rappelant que la foi en la résurrection est motivée par la fidélité de Dieu lui-même à sa propre promesse envers ses élus. Dieu accorde à ceux-ci ce qu’IL  est et qui IL est : LA VIE. Voilà pourquoi Jésus affirme qu’IL n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants. « Car tous vivent pour Lui. » (verset 38)

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Par ailleurs, la foi en la résurrection, que ce soit celle des morts ou que ce soit celle du Christ, est une difficulté intellectuelle et spirituelle pour les croyants de toutes les époques. Les Chrétiens de Corinthe en sont l’illustration historique. Saint Paul en témoigne dans sa première épître en ces termes argumentés : «Nous prêchons donc que le Christ est revenu d’entre les morts : comment alors quelques-uns d’entre vous peuvent-ils dire que les morts ne se relèveront pas ? Si tel est le cas, le Christ n’est pas non plus ressuscité ; et si le Christ n’est pas ressuscité, nous n’avons rien à prêcher et vous n’avez rien à croire. (…) Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est une illusion, et vous êtes encore en plein dans vos péchés. Il en résulte aussi que ceux qui sont morts en croyant au Christ sont perdus.(…) Mais en réalité, le Christ est revenu d’entre les morts, en donnant la garantie que ceux qui sont morts ressusciteront. » (1 Co15, 12-20)

 

   

               DIEU, LA VIE, LE MYSTÈRE.

Dans l’état actuel de l’accumulation des connaissances résultant des recherches et découvertes scientifiques, il faut reconnaître que la question de la vie fait partie des énigmes majeures de la Science. Son surgissement premier ou les processus de sa genèse ; son antériorité au-delà des 3,5milliards d’années, soit un milliard d’années après la formation de la Terre, sont autant de questions qui nous plongent dans l’humilité profonde face aux abysses de notre ignorance. Cela nous permet d’établir une passerelle intellectuelle entre « la Vie et le Mystère. » Au sens large des écrits du Nouveau Testament, mystère signifie le sens secret, la sagesse cachée, la connaissance métaphysique de certaines réalités comme l’amour, la vie, la mort, le Temps…(Lire Rm16,25/Mt13,11/1CO2,7 :Col1,26/ Eph3,2,-12)

Or dans la mystique chrétienne et la spiritualité biblique, Dieu est le Mystère révélé. Il est la vie et la source de la vie. (Jn10, 10) Il était avant les siècles, il est « Maître des Temps et de l’Histoire. »(Qo3, 1 /Luc12, 39) Il est donc cohérent d’affirmer qu’il y a une proximité logique et épistémologique entre le Mystère et Dieu, entre le mystère et la vie, entre la vie et la mort, entre la vie et l’amour, entre Dieu et la vie.

Ainsi lorsque Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de la Sainte Face déclare : « Je  ne meurs pas, j’entre dans la vie », elle confirme cette conviction de foi que la vie des morts est assumée en Dieu. Quand Jésus conclut que ceux qui sont morts vivent en effet pour Dieu, il affirme leur entrée dans le mystère, dans la sagesse de Dieu, dans la vie et la vision béatifique de Dieu. C’est pour cette raison que la fête de la Toussaint et la Commémoration des défunts partagent un même mur mitoyen.

 

 

De l’autre côté du soi

Le Temps a hissé sa voile

À hauteur des souvenirs

Ancrés dans les cœurs en émoi.                     

L’espérance en étoile

Navigue aux confins des désirs

 

De l’autre côté du moi

L’Amour a tissé sa toile

Aux couleurs des émotions

Parées de mots de bon aloi.

La fête en ses relations

Enchante jusqu’à la moelle.

 

De l’autre côté du surmoi

La mort enfonce le doute

Aux profondeurs du pourquoi

Hurlé de-ci de ça delà.

Le chagrin en pleurs d’au-delà

Oublie routes ou clés de voûte

 

De l’autre côté Tout Autre

Le Mystère a haussé la vie

Aux dimensions invisibles

Portées de forces invincibles. 

L’avenir au galop d’envie

Passe par l’amour des autres.

 

Père Jean-Parfait CAKPO

Edito du mois de Novembre.
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