Edito du mois de Février.
16 févr. 2020
« IL RESSEMBLE A UNE GRAINE DE MOUTARDE » Mc4, 30
Le calendrier liturgique de l’Église nous offre l'occasion de vivre en ce mois de Février 2020, un temps fort de la spiritualité catholique : la préparation des festivités pascales à l'issue du temps de carême. La messe du Mercredi des Cendres inaugure le thème central de la prédication de Jésus : Le Royaume des Cieux. (Mc 4,12/ Lc4, 14-15) Pour ce faire, Jésus multiplie les métaphores, les actes de miséricordes et les paraboles. Le thème qui fait ici l'objet de notre méditation est un verset tiré d'une des nombreuses paraboles de l’Évangile. Il n'est pas inutile de préciser que le terme parabole est un décalque du grec parabolé. Il s'agit d'un genre littéraire qui recouvre un enseignement indirect utilisant des images et des comparaisons brèves tirées de la vie concrète et des préoccupations quotidiennes des auditeurs. Bien souvent la clé de compréhension est à la fin de l'histoire. Cependant, il y a des exemples selon lesquels la parabole recouvre un enseignement énigmatique et dévoile un sens mystérieux. Ainsi en va-t-il du chapitre quatre de l’Évangile selon Marc. Il devient alors logiquement indispensable d'en déployer les diverses ramifications interprétatives.
LE VERSET EN CONTEXTE
Les Évangiles synoptiques, Matthieu, Marc et Luc sont concordants sur la volonté indéfectible et inlassable de Jésus, de ramener les cœurs et les âmes à cet essentiel : le Royaume de Dieu. Ce désir du Seigneur se traduit par cette double interrogation qui précède le verset 31 : « A quoi allons-nous comparer le Royaume de Dieu ? Par quelle parabole allons-nous le représenter ? » Se demandait Jésus. Puis il déclara : « Il ressemble à une graine de moutarde ; quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde ; mais quand elle est semée, elle monte et devient plus grande que toutes les plantes potagères. » (Mc4, 3-32)
Le premier élément à relever ici est que le Royaume des cieux est si dense et énigmatique en son mystère que Jésus, Lui-même a dû multiplier les exemples pour en dévoiler l'intelligibilité. Autrement dit, aucune parole, aucun exemple, aucune comparaison, aucun dire ne sauraient épuiser la profondeur et l'ampleur de ce qu'est le Royaume des Cieux ou le Règne de Dieu. (Mt13, 10-15/ Lc8, 9-10)Le grand théologien et mystique Maurice ZUNDEL le disait admirablement : « La Trinité est un abîme de lumière et d'amour que nous pourrons éternellement découvrir sans jamais en atteindre le fond. » Aussi, trouvons-nous plus qu'éclairant de contempler quelques belles branches qui couronnent l'évolution croissante du grain de blé.
DE L'INTIME ET DE L'EXTIME.
La double dimension de ce Royaume des Cieux apparaît clairement dans le fait qu'une fois semé le grain de blé passe de l'extérieur à l'intérieur de la terre puis de l'intérieur à l'extérieur. Cela suggère l'idée que la spiritualité chrétienne est avant tout une quête intérieure qui tient compte des éléments extérieurs. Dieu et la foi, relèvent de l'intime et de l'extime. Qui ne se souvient des paroles de Saint Augustin dans les Confessions sur cette fameuse Beauté divinement sacrée dont il a pris conscience de l'éternelle présence cachée dans son cœur très tard. Alors qu'il courait au dehors de lui-même. En méditant cette parabole du grain de moutarde nous nous réjouissons d'avoir au dedans de nous Celui qui dépasse le cosmos et pourtant vient habiter au dedans de chacune et chacun de nous, Dieu notre Créateur.
ELOGE DE LA PETITESSE.
Les expressions habituelles : « Dieu Très Haut » ou encore « Dieu est grand » ne doivent jamais nous faire oublier ce qu'en son temps le Père VARILLON appelait si joliment et si paradoxalement l'Humilité de Dieu. Par la parabole du grain de sénevé, Jésus nous appelle toutes et tous à la conversion. (Mt4, 17).Il s'agit là d'une transformation profonde et féconde de nos idées toutes faites sur nous-mêmes, sur les autres et surtout sur Dieu. De même que le grain de moutarde se transforme, les hommes femmes qui reçoivent la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux doivent se laisser transformer. Car son règne ressemble à une graine minuscule dont la puissance intérieure dépasse l'imagination. En effet contrairement à toute attente Dieu a caché dans une graine de moutarde la potentialité naturelle d'une immense plante. La grandeur est cachée, la puissance est masquée, la force est discrète. Dieu aime les humbles. C'est au tout petits qu'il a révélé ce qui est masqué aux yeux des sages et des savants.( Mt11,25) Comment ne pas citer ici les mots de Saint Paul à propos de sagesse de la petitesse spirituelle qu'il ne faut pas confondre avec le manque de grandeur ou la mesquinerie. « Lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort. » Plus tard Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus de la Sainte Face insistera sur la mystique de l'enfance spirituelle et de la petite voie.
ELOGE DE LA PERTE.
La parabole du grain de moutarde nous révèle un paradoxe évangélique et existentiel : perdre pour gagner. Autrement dit, selon la logique de la vie et de la foi, de l'amour et de l'espérance, du don et du pardon, il faut accepter la trajectoire du grain de sénevé. Pour se perdre dans la Terre, se dépouiller de son orgueil et son « égo » de son vieil homme (Rm5, 6) pour devenir une nouvelle créature, en l'occurrence, une nouvelle plante grande et belle, efficace et utile comme dit la parabole au verset 32 du même chapitre. Par ailleurs, pour porter du fruit, la graine est semée. Semer de soi, c'est aimer. Et aimer, c'est vivre. Semer de soi dans les autres, vivre pour les autres, c'est vivre en eux et revivre par eux.
Apparemment elle est perdue, la graine semée. Pourtant, ceux qui en connaissent le processus, savent que cette perte est bénéfique à plus d'un titre. Pour que le Royaume de Dieu porte ses fruits, en nous et autour, nous sommes encouragés à traverser la perte. Car notre vie et notre joie, viennent de la perte surmontée.
MYSTIQUE DE LA CROISSANCE.
Dans cette parabole, Jésus invite ses auditeurs à porter du fruit. Bien sûr les Chrétiens sont parfois faibles et petits comme le grain de moutarde. Mais nous avons reçu dans le baptême et le sacrement de la confirmation l'Esprit Saint, l'Esprit de Dieu, le Souffle de Vie. C'est Lui qui confère à nos vies à nos êtres, à nos cœurs la puissance de fécondité, de croissance pour porter du fruit : « Amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi. » (Ga5, 22)
EN JESUS, COMME UNE GRAINE DE MOUTARDE.
Il n'est pas difficile de retrouver dans les Évangiles, des pages entières d'enseignement où Jésus se compare à une belle plante. : « Je suis la vigne, mon Père est le vigneron. » (Jn15, 1)En parlant du mystère de sa Passion et de sa Résurrection, Jésus emploie la métaphore du grain de blé tombé en terre. (Jn12, 24) Nous pouvons aisément accueillir ici, une signification christologique et ecclésiologique, prophétique et politique en ce verset : Jésus est venu dans le monde en se faisant petit, Lui qui pourtant est de condition divine. (Ph2, 6)
Humble comme un grain.
Comme une graine de moutarde, il a été jeté, semé, dans la terre des cœurs ouverts à sa Parole.
Comme une graine de moutarde, il s'est laissé dépouiller de la tunique du soi-même.
Comme une graine de sénevé, il a germé, ressuscité pour devenir un bel arbre de grâce et de lumière.
Sur la Terre comme au ciel s'élèvent ses belles branches de confiance, de fraternité, d'amour, de partage, d'espérance et de foi en l'avenir.
Sur la Terre comme au ciel, sous son ombre, des hommes et femmes de toutes cultures, langues peuples et nations se rassemblent pour SERVIR L'AVENIR.
Père Jean Parfait CAKPO