Edito du mois de Juillet 2020.
05 juil. 2020« TU M’APPRENDS LE CHEMIN DE LA VIE »
Psaume 15,11.
Au lendemain de la décision historique d’un confinement strict de toute la population française c’est-à-dire le 18 mars 2020, le secrétariat général du Conseil œcuménique des Églises(COE) écrivait à tous ses membres en ces termes: « Alors que le monde vit une période éprouvante, nous devons maintenant accorder la plus haute priorité à tout ce que nous pouvons faire pour protéger la vie. Prier et œuvrer pour la justice et la paix inclut également de prier pour la santé. » (DC n°2539 Juillet 2020. p61)
Nous voulons faire nôtres ces mots en ouverture de la méditation que nous vous proposons comme éditorial pour ce mois de juillet. Il s’agit du dernier vers du psaume 15 (16) dont la citation complète est ceci : « Tu m’apprends le chemin de la vie, devant ta face débordement de joie, à ta droite, éternité de délices. » La Traduction œcuménique de la Bible (TOB) se lit ainsi : «Tu me fais connaître la route de la vie ; la joie abonde près de ta face, à ta droite, les délices éternelles.» Quant à la version d’André Chouraqui, elle donne ceci : « Tu me fais connaître la voie de la vie, l’assouvissement de joies en tes faces, les délices, à ta droite, à perpétuité. »Précisons que le psaume 15 fait partie de la première des cinq grandes subdivisions du Psautier qui va du n° 1 au n°41. Par ailleurs, il nous est utile de savoir que le recueil complet a pris forme vers la fin du IIIème siècle avant Jésus Christ. Il n’est pas exagéré de dire que Jésus a prié avec les psaumes à la synagogue, ou bien sur la route lors d’un pèlerinage. Nous savons que sur la croix il priait les psaumes : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. »(Ps31, 6) ou encore:« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi, m’as-tu abandonné ? (Ps22, 2) Tout cela nous révèle bien qu’il existe une communion spirituelle très profonde, une immense relation atemporelle, une connexion cosmique et unique entre Jésus et nous qui méditons ou chantons les psaumes. Tous les Chrétiens devraient lire et prier les psaumes tous les jours. Maintenant que les portables sont connectés, il est encore plus facile de les avoir sur soi et d’en lire quelques versets, à sa guise, pour s’en imprégner. Il en existe pour toutes les circonstances de la vie. Justement, l’un des mots clés de ce verset, c’est la vie. C’est le mot par lequel se conclut le verset cité. Il y en a trois : « la vie » « apprendre » « chemin» Comment ne pas se souvenir des paroles mémorables de Notre Seigneur Jésus en réponse à la question de Thomas ? « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » Jésus lui dit : « Moi, je suis le chemin et la vérité et la vie. » (Jn14,5-7) Lorsque le psalmiste dit à Dieu : « Tu m’apprends le chemin de la vie,» il part de son expérience spirituelle, puisqu’il affirme plus haut au verset 7 que Dieu est un bon conseiller et un protecteur auprès duquel sa personne « demeure en sûreté. »
« …LE CHEMIN DE LA VIE »
À l ‘heure où nous constatons indéniablement que les forces de la mort courent, parcourent et labourent la surface de notre Terre, il nous est bénéfique de nous arrêter un instant sur cette expression : « CHEMIN DE LA VIE. » Elle suggère avant tout que la vie exige sinon un cheminement du moins un chemin à faire. La sagesse africaine déclare à propos de chemin que celui qui veut aller vite s’y engage seul. Mais pour aller loin, il vaut mieux être plusieurs. Nous l’expérimentons encore dans la chair vive de notre humanité qui doit savoir que, tout seul, aucun pays, ne réussira à vaincre le malheur qui nous frappe par la Covid-19.
Le terme « Chemin » est riche également de l’idée de décision, de discernement et de mission car dans un chemin on décide de s’engager ou pas. Nous le voyons, plus que jamais, la pandémie nous a obligés à prendre des décisions pour vivre. « Et peut-être faut-il, pour que nous vivions, sauver ce qui est menacé : mais cela ne sera pas alors sans une révision déchirante, sans la traversée d’un
désert que n’imagineront jamais ceux dont la volonté de changement, pour réelle et efficace qu’elle soit, s’inscrit d’emblée dans une perspective déjà constituée. » (Maurice BELLET, Naissance de Dieu.p.11)
En outre, nous savons à la lumière de la foi que le chemin qu’est Jésus est devenu chemin de Croix c’est-à-dire route de vie par le don total de sa personne. (Jn 15,13) Ce qui faisait dire à Saint Éphrem (306-373) : « Gloire à toi ! Tu as jeté ta croix comme un pont au-dessus de la mort, pour que les hommes y passent du pays de la mort à celui de la vie. » Dans la même lumière interprétative du verset, nous devons reconnaître que la croix du Christ contient également le message de la « scandaleuse faiblesse » de Dieu. De l’incompréhensible mystère de sa vie livrée. Ce que Saint Paul appelait : « la folie de la croix. » (1 Cor1, 8-10)
Heureux mystère qui nous dévoile la beauté de notre espérance et de nouvelles ressources dans la lecture des événements actuels. En effet, la pandémie actuelle a dû dévoiler à tous que « Nous sommes de plain-pied dans l’âge de la combustion du monde. Du coup, c’est à l’urgence que nous faisons face. Or la réalité de l’urgence, de la fragilité et de la vulnérabilité, bien des peuples de la Terre en ont enduré l’épreuve avant nous, au détour des nombreux désastres qui ont scandé leur histoire… » (Achille MBEMBE, Brutalisme, p.21) Cette vulnérabilité de nos systèmes et de nos structures mais aussi de nos projections et capacités d’adaptation viennent nous rappeler tragiquement, notre humanité, notre finitude dont nous essayons de casser ou de cacher le miroir, de masquer la réalité. Il est digne de remarque que le masque qui s’est imposé maintenant (persona en latin) soit aussi à l’origine du mot personne. Et ce sont les personnes aînées ou fragiles qui ont payé un lourd tribut, durant cette pandémie. Quel regard sur les personnes ?
« TU M’APPRENDS… »
Le philosophe chinois Confucius (555-479 av. J.C) déclarait : « Il y a trois sortes d’hommes avec lesquels il est utile de se lier d’amitié : les hommes droits, les hommes sincères et les hommes qui ont beaucoup appris. » Dans le verset du psaume 15 que nous relisons, l’orant déclare que Dieu est pédagogue et source de vie. Mais la vie elle-même, n’est-elle pas la plus grande des Écoles de tous les temps ? Elle est pourtant accessible à tous les hommes et femmes, mais aussi à toutes les créatures qui peuplent la terre. « La vie est la lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde. » (Jn1, 4) Et en venant dans ce monde, Jésus s’est offert à nous comme la vie. (Jn10, 10)Voilà pourquoi Saint Bernard nous invitait à « apprendre du seul Maître de tous les hommes, les chemins de la vie. » Mais une double question se pose : « Qu’avons-nous vraiment appris de ce confinement ? » Quel cheminement sommes-nous prêt à faire ?
Nul ne peut répondre à notre place. Et pourtant de la réponse de chacune et chacun dépendront les issues de la vie, les décisions et actions pour l’Avenir. À propos de celui-ci, rien ne sert de se priver des forces utiles en se murant dans la peur des autres et le désespoir. Au contraire, il faut accueillir les mots du Père Teilhard de Chardin : « Ne vous découragez pas. La vérité de la vie est dans une espérance inconfusible que le soleil finira par dissiper tous les nuages. » (Être plus, pp112-113)
Au soleil sans déclin et sans calcul ni canicule de l’Amour de Dieu, puissiez-vous plonger dans l’allégresse du psaume 15 qui dit :
« La joie est abondante près de ta face. À ta droite, les délices sont éternelles.»
BON ÉTÉ À VOUS TOUS !
Père Jean-Parfait CAKPO.