Octobre  2020

 

 « AU SEIGNEUR, LA TERRE ET SES RICHESSES,

LE MONDE ET SES HABITANTS. » Ps24, 1

 

Il est des affirmations dont la pertinence reste si puissante et la hauteur de vue si grande qu’elles nous donnent à voir, tel un bon phare, loin dans le temps et large dans l’espace. Ainsi nous reviennent à l’esprit deux pensées du Pape François, dans sa Lettre encyclique « Laudato’si » en ces termes :

« Nous ne sommes pas Dieu. La terre nous précède et nous a été donnée. » (P53. §67) Puis quelques lignes plus loin, le successeur des Apôtres, ajoute : «Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio environnementale. » (p108. §139)

Voilà ce qui éclaire notre chemin et nous rapproche du thème de méditation que nous soumettons à votre bienveillante lecture en ce mois d’octobre. « Au Seigneur la terre et ses richesses, le monde et ses habitants.»

Notre choix reste dans la même trajectoire depuis le déconfinement, c’est-à-dire en lien étroit avec les réflexions et actions sur la  pandémie de la Covid 19. De celle-ci, nous n’avons certainement pas fini d’en apprendre au risque de n’en plus rien comprendre. Il faut le reconnaître. Face à la complexité de ses causes et aux ramifications des conséquences de son irruption dans nos sociétés, les commentaires, les déclarations  en viennent à tirer à hue et à dia, les esprits et les cœurs de nos contemporains. Toutefois, il faut raison et foi garder pour avancer vers le cap de sortie, avec quelques balises. Le psychanalyste Carl JUNG affirmait ceci: «La maladie est l’effort que fait la nature pour nous guérir. » Il y a donc, indubitablement, une relation entre la nature et la pathologie, la nature et la pandémie qui nous frappe actuellement. Voilà pourquoi, les paroles du psalmiste nous intéressent  à plus d’un titre.

Selon la traduction d’André Chouraqui, ce verset premier du Psaume 24 se lit : « À Adonaï, la terre et sa plénitude, le monde et ses habitants. » La nuance ici importante. Elle vient nous élargir le sens du mot «richesses » dans le verset. Elle ne fait pas seulement référence à une  accumulation de biens. Le terme « plénitude » devient vraiment approprié pour nous libérer d’une compréhension réductrice à plusieurs niveaux.

Le premier éclairage du psaume pour nous est qu’il urge de  considérer la globalité, de réfléchir dans une approche plénière et non partielle et parcellaire. La crise de Covid19 nous révèle, s’il en était encore besoin, qu’aucune Nation, qu’aucune proposition ou résolution étriquées de la réalité ne pourra être à la hauteur des enjeux actuels et futurs. Les relations existentielles doivent être revisitées de fond en comble. Ce verset nous en indique  quelques-unes.

Relations à la Terre, relations aux ressources, relations au monde, relations à ses habitants, relations au Seigneur Dieu. Considérons d’abord la dernière dimension. Elles rejoignent les paroles de Jésus : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole venant de la bouche de Dieu. » (Mt4, 4/Dt8, 3)

Il y a ici une heureuse invitation à la quête de la transcendance. La spiritualité et la mystique en général : la méditation et la prière, la recherche du Sens, les approfondissements de la conscience, le discernement et l’oraison, la contemplation et l’adoration, la « lectio divina », l’écoute de la Parole de Dieu, sans oublier la relecture de vie, les célébrations. Toutes choses qui constituent autant de trésors multiséculaires dont les sources et ressources gratuites peuvent encore nous aider, chacune et chacun, selon sa liberté, à retrouver l’Espérance, et la force en ces temps plus que troublés et polytraumatisés.

Car comme l’analysait si bien déjà, en 1936, le savant visionnaire et théologien mystique, Teilhard de Chardin : « Le pire danger que côtoie l’Humanité dans son virage actuel, c’est d’oublier finalement l’essentiel, c’est-à-dire la concentration spirituelle, en face des immensités cosmiques que lui a découvertes la Science, et en face de la puissance collective que lui a révélée l’organisation sociale.» (11 novembre 1936)

Face à la pandémie quelle nouvelle organisation sociale ?

Les cheminements que je viens d’indiquer plus haut, passent évidemment par le soin renouvelé que nous porterons tous  aux éléments principaux du psaume dans ce verset. Les voici :

D’abord, « La terre »: Pour le moment, nous n’en n’avons pas d’autres. Comme l’écrit si bien, le journaliste Paul Ricaud, « Pour nous, il n’y aura pas de planète B. »Et ce, malgré les promesses et fantasmes des projets pharaoniques sur l’espace.

Ensuite, le psalmiste parle du « monde et ses habitants. » ou selon une autre version, « le monde et son peuplement. »

S’il est une vérité terrible que vient nous enseigner, tragiquement, la pandémie, c’est que nous, hommes et femmes, ne sommes pas les seuls habitants du monde. Les virus aussi y sont. Les microbes aussi. Tout un écosystème, fût-il, invisible, travaille et grouille autour de nous et en nous pour nous garder en vie dans des équilibres intelligents et précaires. Mutuellement, nous en sommes hôtes. Mais les habitants de la terre que nous sommes, hommes et femmes de ce temps, avons le défi et l’honneur d’inventer une planète plus solidaire des autres et de ses hôtes, quels qu’ils soient, au nom de la terre et du ciel dont nous sommes tous des débiteurs insolvables, et au nom de la fraternité dont les références sont innombrables dans la Sainte Bible. À commencer par cette question qui creuse le ciel et retentit par-delà les générations : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » de ta sœur ? » (Cf. Gn4, 9) Jésus leur dit : «Quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, c’est lui mon frère, ma sœur, ma mère. » (Mt12, 50) Lire aussi Gn13, 8/ 1Ch23, 22/ Ex 2,11/ Dt25, 3/ Ga1, 2/ Ph4, 21.)Bref en pleine pandémie, un traitement fraternel ne sera pas de trop. Cette fraternité (adelphotès en grec) a pour ciment l’amour au sens grec de (phil- adelphia.) Cela nous fait penser à un martyr de la fraternité, qui pratiquait assidûment la Sainte Bible : Martin Luther King qui avait écrit : « Grâce à notre génie scientifique et technologique, nous avons fait de ce monde un quartier. Et maintenant, nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous comme des idiots. » Cette semaine, nous avons franchi le triste record d’un million de personnes, un million de nos frères et sœurs habitant la même terre que nous, tués par le Coronavirus. Ici, en France, et partout ailleurs, mobilisons-nous du mieux que nous puissions, encore une fois,« pour le monde et sa plénitude, la terre et ses habitants, » dans l’Esprit de  Dieu, le Vivant.

 

Père Jean-Parfait CAKPO

"Au Seigneur, la Terre et ses richesses, le Monde et ses habitants"
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