Faire de notre vie, une Transfiguration progressive.
28 févr. 2021Homélie du 2e dimanche de Carême B 15.
La première lecture commence de façon dramatique et choquante...Mais est-il possible que Dieu demande à Abraham d’offrir en sacrifice son fils unique ? Comment expliquer ce texte de la Bible ?...Il faut absolument le situer dans le contexte de l’époque : il est malheureusement arrivé dans l’histoire de l’humanité que l’on immole des enfants pour des motifs religieux...Ainsi le dieu Moloch, au pays de Canaan, qui correspond à la terre sainte, exigeait, pensait-on, l’immolation des premiers-nés...Il y a tout près de Jérusalem une vallée appelée « la vallée de la Géhenne » où étaient pratiqués des sacrifices d’enfants dans une lointaine antiquité. Les prophètes Jérémie (650 ans avant Jésus) et Ezéchiel (600 ans avant Jésus) y font clairement allusion. Tragique erreur de l’humanité pensant devoir sacrifier le trésor le plus précieux pour attirer la faveur de la divinité ! Abraham a cru devoir faire pour son Dieu ce que les peuples voisins faisaient pour le leur...
Le texte dit que Dieu met Abraham l’épreuve. Dans la Bible mettre à quelqu’un à l’épreuve est le mettre ou le laisser dans une situation où il est amené à révéler ce qu’il est en vérité. Dieu laisse Abraham dans l’épreuve qu’est cette pensée de devoir immoler son fils et quand il a vu la générosité dont il est capable il lui fait comprendre qu’il ne veut pas de sacrifice humain...non sans lui exprimer son admiration « Parce que tu as fait cela je te comblerai de bénédictions »... Cet épisode fait franchir un seuil à l’humanité : le Dieu d’Israël, le Dieu unique, ne veut pas de sacrifice humain...il n’est pas pour la mort mais pour la vie...
De plus cet épisode opère une conversion de l’idée de « sacrifice »...le véritable sacrifice est dans l’offrande intérieure de soi à Dieu pour accomplir sa volonté, dans l’offrande à Dieu de ce que nous vivons de meilleur...Abraham vit véritablement son sacrifice, sa véritable offrande, lorsqu’il dit à Dieu « me voici »...Il y a là un message pour nous : nous sommes appelés à nous tenir prêts pour accueillir et accomplir les appels de Dieu dans notre quotidien...c’est là la véritable offrande, le véritable sacrifice qu’il attend de nous.
Abraham est aussi l’image d’un autre Père : Dieu, qui n’a pas hésité, lui non plus, à donner son Fils. St Jean écrit « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique »...et St Paul « Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous ». A trois reprises Paul emploie l’expression « pour nous ».... « Dieu est pour nous »... « Il a livré son Fils pour nous »... « Jésus intercède pour nous »...Dieu est à fond pour nous...et puisqu’il en est ainsi c’est dans la confiance que nous avons à nous situer devant Lui...il ne peut que vouloir notre bien « Comment pourrait-il ne pas tout nous donner ? »... Puisque Dieu est à fond pour nous pourquoi avoir peur ? de quoi avoir peur ? Paul interroge « Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? » ce qui signifie que ceux qui accueillent Jésus dans leur vie reçoivent de Lui une vie nouvelle qui les rend exempts de toute accusation possible. Paul interroge encore « Dieu est celui qui rend juste : alors qui pourra condamner ? » Ce qui signifie qu’en Jésus nous recevons le pardon et échappons à toute condamnation. Le P. Sève écrit « Cela fait penser à 2 camps qui se forment : si untel est avec nous, on est sur de gagner. Là, nous avons Dieu dans notre camp, il est « avec nous ». Quel autre camp pourrait nous faire perdre » ( Saisis par le Christ p 43).
L’évangile est d’une grande beauté. Jésus vient d’annoncer sa passion. Il se rend dans la montagne avec Pierre, Jacques et Jean et là il est transfiguré, métamorphosé. Son être profond de Fils de Dieu transperce son corps et se manifeste avec clarté. Il laisse transparaître toute sa beauté intérieure, la beauté même de Dieu. Le blanc évoque le monde de Dieu. Le blanc de son vêtement lui-même laisse entendre qu’il appartient au monde de Dieu. Puis apparaissent Moïse et Elie , deux personnages majeurs de l’Ancien Testament. Moïse, le libérateur et législateur par lequel Dieu a donné les dix Paroles de vie que sont les dix commandements. Elie, le grand prophète. L’un et l’autre symbolisent toute l’attente d’Israël. Un moment Moïse et Elie disparaissent. Jésus reste seul. Il est la référence définitive. C’est en Lui que s’éclaire le mystère de Dieu et de l’homme. Le Père confirme « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoutez-le ». Pierre voyant Jésus transfiguré propose « Dressons ici 3 tentes ». Il exprime deux choses profondes : il y avait chez les juifs une fête appelée « la fête des tentes »...on vivait une semaine sous des tentes...Cela rappelait l’Exode, période difficile pendant laquelle Dieu accompagnait son peuple pour le rendre fort dans sa marche vers la liberté...la fête des tentes rappelait la fragilité de la condition humaine et en même temps la présence de Dieu et sa force . En disant « Dressons 3 tentes » Pierre veut dire « Nous sommes fragiles mais avec Toi, Jésus, nous sommes forts » Nous qui sommes ici nous sommes appelés à la même confiance que Pierre. Nous sommes fragiles mais le Seigneur est là. Si nous l’accueillons dans nos vies marquées par la faiblesse il peut nous faire vivre de beaux cheminements. La fête des tentes était aussi une fête d’espérance...de l’espérance du Jour où les amis de Dieu habiteront sous les tentes célestes avec Dieu lui-même...En disant « Dressons 3 tentes » Pierre exprime sa conviction que l’espérance est accomplie...qu’en Jésus Dieu nous introduit près de lui, dans sa vie. Nous sommes appelés à l’espérance...
Le Seigneur nous accompagne et veut nous faire vivre au fil de notre vie une transfiguration progressive nous conduisant à une transfiguration totale en Lui dans son éternité. Vivre l’offrande de nous-mêmes au Seigneur...lui donner notre confiance...le laisser demeurer en nous pour qu’il nous transfigure de l’intérieur. Trois orientations à essayer de vivre fidèlement.
Père Michel Marie.