Homélie du Vème dimanche de Pâques B : Ac 99, 26-31/Ps21/1Jn3, 18-24/ Jn15, 1-8.  2 MAI 2021

 

La Vraie vigne comme demeure

 

Il y a des mots dont la vie et la charge symboliques sont  si grandes et si riches que leur retentissement se prolonge en écho à travers tous les âges. Le mot que Jésus emploie dans l’évangile selon Saint Jean, prévu pour ce  cinquième dimanche de Pâques en est une belle illustration. La vigne. Une métaphore qui avait pour les auditeurs de Jésus, des significations à la fois  historique ; prophétique ; messianique ; mystique et spirituelle. Pour nous, aujourd’hui, il faut ajouter des résonances ecclésiologiques et  culturelles. C’est pour vous dire, frères et sœurs bien aimés de Dieu, que l’image de la vigne étend ses sarments partout dans toute la Bible. Que nous révèle-t-elle au juste ?

L’image de la vigne signifie avant tout la belle histoire d’amour entre Dieu et son peuple. Le grand projet d’Alliance, le pacte d’amitié entre Israël et son Dieu. Mais n’allez pas croire que c’était simple. C’est une histoire mouvementée, tumultueuse et parfois éclaboussante voire renversante comme le vin et  la viniculture.

Déjà au VIIIème siècle avant Jésus Christ, Dieu, par la bouche du prophète Isaïe entonne cette complainte : « Que je chante pour mon ami, le chant du bien aimé et de sa vigne. Que n’ai-je pas fait pour elle ? » (Is 5, 1-7.)

Avec le prophète, Jérémie, nous comprenons que c’est le Peuple de Dieu qui  est comparée à une vigne : « Israël, vigne florissante, produisant du fruit à l’avenant. Plus ses fruits se multipliaient, plus il multipliait ses autels » (entendez d’idolâtrie). Jr 2, 21. Encore un constat d’échec ; une amertume s’entend dans l’oracle de Jérémie : « Moi, je t’avais planté, vignoble de choix tout entier en cépage franc. Comment as-tu pu dégénérer en vigne inconnue aux fruits infects ? » (Jr 2, 21)

Pour cela, certains psaumes en viennent à supplier Dieu en Lui rappelant tous les soins, toutes les délicatesses dont sa vigne a été l’objet : Cela devrait vous rappeler le drame des vignerons ces derniers temps en raison des gelées nocturnes qui ont détruit leurs plantations. Mais en même temps révéler leur dévouement, leur mobilisation sans faille : « La vigne que tu as prise à l’Égypte, tu la replantes en chassant des nations ; tu as déblayé le sol devant elle pour qu’elle prenne racine et remplisse le pays. » (Ps80) Enfin, la vigne est célébrée comme un lieu de rencontre, de paix par le prophète, Zacharie. (3,10)

Toute cette richesse de sens sera amplifiée dans le cadre de la nouvelle Alliance avec Jésus. Alors vous comprenez aisément que lorsque Jésus déclare dans l’évangile selon saint Jean : « Moi, Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron ; » Il nous inscrit dans une relation d’intimité avec lui et le Père dans la sève de l’Eprit Saint. J’ai bien dit « Intimité », pour vous faire remarquer l’insistance de Jésus sur l’acte de demeurer. Huit fois dans cette page d’évangile : « Demeurez en moi comme moi en vous. » C’est comme si Jésus disait à chacune et chacun de nous : « Restez greffés, attachés, connectés avec moi, le cep de vigne et en vous par moi ; alors vous serez vivants et florissants. « Car ce qui fait la gloire de mon Père, dit Jésus, c’est que vous portiez beaucoup de fruit… » (Jn15, 8) Mais qu’est-ce que cela implique pour nous qui écoutons une fois de plus cet Évangile du Christ ? Trois attitudes que résument trois verbes :

Le premier : Vivre. Le second : Croire .Le troisième : Aimer.

Vivre, c’est le sens de la parabole sur la vigne, car Jésus est devenu l’Arbre de vie qui, par le don de sa vie, sur la croix a étendu ses branches partout, aux quatre  coins du monde. C’est  pour offrir à tous sa vitalité et la suavité de ses fruits. Vivre, c’est ce que nous demande le psaume 21 : Écoutez-le encore !  « Et moi, je vis pour lui : ma descendance le servira ;

On annoncera le Seigneur aux générations à venir. On proclamera sa justice au peuple qui va naître : « Voilà son œuvre ! »

Mais comment participer à cette œuvre, si nous ne gardons pas son commandement ?  Et quel est son commandement ?

Saint Jean nous en donne la réponse, dans la deuxième lecture, en écrivant: « Voici son commandement : avoir foi en son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres. » La foi est une condition sine qua non pour faire partie de la vigne de Jésus puisque croire, c’est adhérer à Lui. Son importance est telle que Sainte Thérèse d’Avila disait à ses consoeurs religieuses : « Ce ne sont pas celles qui voient Dieu qui sont les saintes, ce sont celles qui y croient. » Or, croire en Dieu que l’on a jamais vu en oubliant d’aimer les humains qu’il a créés, c’est se mentir à soi-même et être déconnecté de la réalité. Or, l’image de la vigne nous enseigne qu’il ne faut pas développer une spiritualité hors sol. Voilà pourquoi saint Jean nous avertit, dans la deuxième lecture : « Mes enfants, nous devons aimer : non pas avec des paroles et des discours mais par des actes et en vérité. » Au cœur de cette pandémie par exemple, quels sont les actes d’amour et de bienveillance  que nous posons pour porter et apporter la vie dans l’immense vigne de l’Humanité en souffrance ? Ne nous contentons pas de protester sans proposer notre aide à la suite des apôtres et de tous les serviteurs et servantes de Dieu. Nous pourrons alors dire à la suite du Pape Benoît XVI, dont le premier mot à la suite de son élection a été : « Je suis un modeste ouvrier dans la vigne du Seigneur. »

 

 

Père Jean Parfait CAKPO

 

 

Retour à l'accueil