VOUS ÊTES UNE LETTRE DU CHRIST… » 2Co3, 3

 

Les Saintes Écritures nous ont habitués à quelques métaphores et paraboles fort lumineuses. Ainsi, lorsque Jésus déclare, dans l’évangile selon saint Jean : « Moi, je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. Je suis la vigne, vous êtes les sarments.» (Jn15, 1.5) Nous pouvons également citer ce verset selon saint Matthieu : « Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde. » (Mt5, 13.14.) Alors, comment situer cette belle parole imagée de Saint Paul, tirée de sa deuxième épître aux Corinthiens ? Voici la citation complète : « De toute évidence, vous êtes une lettre du Christ confiée à notre ministère, écrite non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos coeurs… » (2 Co3, 3) (Version TOB)

 

               TEXTE EN CONTEXTE.

Il est heureux et providentiel pour nous, de partager une méditation sur ce verset paulinien. Et ce, pour plusieurs raisons liées aux contextes.

Sur le Plan géographique, il s’agit de la région d’Achaïe au sud de la Grèce actuelle.

Sur le plan historique, saint Paul écrit aux Chrétiens de Corinthe dans  une période de crise. Dans les années 55-56, il avait déjà effectué plusieurs voyages d’ordre pastoral dans la région. À l’époque, la communauté chrétienne de Corinthe était perturbée par certains prédicateurs, « super apôtres » (faux apôtres), comme les appelle saint Paul lui-même. (Voir chapitres 10 et 11) Ils étaient  venus répandre de fausses doctrines sur Jésus et les traditions, dénigrer les enseignements de Paul et Timothée. De nos jours, on parlerait volontiers de « fake news ».

Par ailleurs, il est digne de remarque d’observer que, dans cette communauté, il y avait un nombre certain de membres facilement influençables. N’est-ce pas une bonne alerte pour nous qui, deux mille ans plus tard, sommes aussi manifestement tentés d’abandonner notre  foi et notre sens de discernement à des faiseurs d’opinions de tous bords ? Toutefois, cette période trouble a été pour saint Paul, l’occasion d’une plus grande correspondance épistolaire. Elle est très féconde sur le plan personnel, spirituel, ecclésiologique et théologique. Nous pouvons en tirer un message d’espérance. L’Église a toujours traversé des crises nombreuses et diverses. Mais sa barque habitée par le Christ garde sa boussole et sa solidité au milieu des bourrasques et des orages. (Mc 4,35-41.)

Est-il opportun d’ajouter que l’attitude de Paul, ici, nous confirme que c’est en période de crise que la communication doit être sinon privilégiée du moins maintenue et le dialogue promu ? De plus, en méditant cet extrait, nous prenons davantage conscience que Jésus a fondé son Église sur les Apôtres. Ces derniers en ont pris soin, corps et âme, ainsi que leurs successeurs. « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon  Église, et la Puissance de la mort n’aura pas de force contre elle. » (Mt16, 18)

Sur le plan socioculturel, la ville portuaire de Corinthe était déjà un carrefour des peuples avec un véritable brassage culturel et cultuel dans leurs us et coutumes. (1 Co8, 1-13)Des touristes et des commerçants, des hommes et femmes de divers horizons y venaient.

 

               SENS ET RESONNANCES.

 

Saint Paul écrit : «Oui, vous êtes manifestement une lettre du Christ, rédigée par nos soins… » (Version de la Bible de Jérusalem).

Mais comment comprendre et prendre ce verset de l’Apôtre des nations ? Certainement pas au pied de la lettre. Puisque, juste quelques versets plus loin, dans le même chapitre trois, il écrit ces mots : « Ce n’est pas à cause d’une capacité personnelle que nous pourrions mettre à notre compte, c’est de Dieu que nous vient notre capacité. C’est lui qui nous a rendus capables d’être ministres d’une Alliance nouvelle, non de la lettre, mais de l’Esprit ; car la lettre tue, mais l’Esprit donne la vie. » (2 Co3, 5-6)

Mais une question se pose : c’est quoi la lettre ?

« Nous désignons par lettre, ce support matériel que le discours concret emprunte au langage. » (LACAN, Écrits, p.495)

C’est donc, en tant que sujet parlant, travaillés inconsciemment  par plusieurs catégories de discours, que des hommes et femmes participent, de manière singulière à la construction d’un monde nouveau. Ainsi, en annonçant la Bonne Nouvelle du Salut au nom de  Jésus Christ, saint Paul a bel et bien conscience qu’il est mû intimement par l’Esprit qui structure  son discours. En voici quelques harmoniques.

Résonances prophétiques du verset.

Par son immense culture et sa formation de pharisien, saint Paul  fait ici référence aux écrits de la première Alliance, non pas à la lettre mais dans un esprit de relecture. Lorsqu’il affirme que les Corinthiens sont une lettre  écrite non sur des tables ou des tablettes de pierres mais sur des tablettes de chair, saint Paul nous renvoie à l’histoire des Tables de la Loi à Moïse confiée  au Sinaï (Ex34, 1-35). Mais plus encore, il voudrait signifier que, désormais dans le Christ Jésus, les oracles des prophètes Ézéchiel et Jérémie sont accomplis : « Voici donc l’alliance que je conclurai avec la communauté d’Israël après ces jours-là -oracle du SEIGNEUR : je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être. » (Jr31, 33) Cette promesse se trouve également dans Ézéchiel 11,19. Autrement dit, chrétiennes et chrétiens, nous sommes des lettres du SEIGNEUR, parce qu’ayant revêtu  le Christ (Ga3, 26), nous sommes marqués du sceau de son Esprit. (Ac2, 1-20)

Résonances actuelles

Nous savons tous que le sens d’une lettre, c’est à la fois son contenu, sa destinée et sa destination. En affirmant, que nous sommes une lettre du Christ, saint Paul vient rappeler à tous les baptisés que notre vie n’est pas une suite absurde d’événements sans but. Il est plus que jamais revigorant de le rappeler au cœur de cette pandémie qui peut répandre dans les cœurs le poison du désespoir. Nous sommes voulus par Dieu le Père, inspirés par l’Esprit, gravés par le Christ, pour porter un message, la Bonne Nouvelle de la Vie du Ressuscité, Jésus.  Il nous a affranchis à l’adresse du monde. Dès lors, comme l’écrit Teilhard de Chardin, il nous  faut « franchir les obstacles « à force » d’optimisme et de fidélité. »

Bon été à vous toutes et tous !

Père Jean Parfait CAKPO

 

 

 

 

 

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