PAROISSE ST THOMAS DE LA TOUQUES
Nativité du Seigneur - A - Dimanche 25 Décembre 2022
Is 52, 7-10 /  He 1, 1-6 / Ps 97 / Jn 1, 1-18
 
 
Au commencement, mystère d'engendrement.
Dans cet engendrement, le Divin mouvement.
 
 
Mes bien-aimés frères et sœurs dans le Christ. Enfants de Dieu, le Père de qui nous vient la grâce de l'existence par le Souffle de l'Esprit Saint, dans la puissance de qui le Fils, Jésus, a pris chair de notre chair. Voici le cœur, la raison d'être de notre adhésion de foi à cette Parole d'Isaïe, hier : "Un enfant nous est né. Un fils nous a été donné." Isaïe 9, 5
Et maintenant, frères et sœurs, pour entrer un peu plus avant dans l'intelligence du mystère, imaginez que vous soyez invités à visiter une maison où vient de naître un enfant, une enfant. Si vous y allez, vous conviendrez avec moi que, durant cette visite en famille, il y aura des échanges, des conversations, des salutations, bref il y aura la Parole dans son ampleur. C'est pour cette raison qu'au lendemain de la messe de la Naissance du Fils, l'évangile selon St Jean nous plonge dans le Mystère de la Parole. Les traductions sont des trahisons. Mais les difficultés sont nombreuses de passer de l'hébreu au grec, et du grec à notre évangile en français.
Nous lisons : "Au commencement était le Verbe." La Parole. Le mot hébreu, c'est : "Davar". En araméen : "Memra" qui met l'accent, non pas sur la Parole comme une chose accomplie mais "Davar", c'est l'acte de parler, l'acte même du dire dans son mouvement créateur. Disons donc : Au commencement était le Verbe, le parler, le dire, le langage, et le Verbe habitait chez Dieu et Dieu est le parler.
Dans ce sens, frères et sœurs, il faut lire cette page d'évangile qu'on appelle le Prologue de Saint Jean comme une symphonie du Monde Nouveau (Nouveau-né) qui contient en condensé les grands thèmes que l'auteur va décliner après des variations musicales au contrepoint subtil : La Vie, la Foi, la Lumière, la Vérité, la Grâce.
Je vous ai dit que nous sommes dans la maison d'un nouveau-né. En Palestine et en Afrique, lorsqu'on prend le bébé dans ses bras, on lui parle et on chante (voir Psaume 97) les cantiques de louanges de sa famille et des litanies claniques de sa généalogie, et on remonte l'histoire de toute l'ascendance. Rappelez-vous Syméon dans l'évangile, avec Jésus dans les bras. C'est selon cette tradition que la deuxième lecture de cette messe se comprend. L'épître aux Hébreux remonte le cours de l'Histoire pour situer dans la cohérence, la consistance prophétique, mystique, divine, celui que l'auteur appelle "Le Premier né", le Fils de Dieu devant lequel tous les anges se prosternent, Jésus.
Il est normal que la deuxième lecture dise que Dieu nous a parlé dans le passé, à maintes reprises. Mais Dieu reste inconnu. Or nous avons envie de le connaître. Le poète Paul Claudel écrit à cet effet si joliment ces mots : "Dieu ne pouvant se faire connaître, il a inventé de se faire naître." Quel est le dernier mot de l'évangile de ce jour ? "Connaître". Ce même verbe est dans le psaume 97. Dans le verbe connaître, il y a le verbe naître. Ils sont quatre verbes donnés comme un trousseau de clés pour ouvrir les quatre portes de la Maison du Nouveau-né : Naître / Renaître / Connaître / Reconnaître. Par cet acte de naître, Dieu s'est révélé comme la Parole Créatrice : Toute la création, tout dans l'Univers et dans la nature est l'œuvre d'une parole créatrice. "Au commencement Dieu dit ..." Exemple : "Les jardiniers et ceux qui ont la main verte disent qu'il faut parler aux fleurs et aux plantes. Et ça marche !"
Les savants, les scientifiques disent que le monde est écrit en langage et formules mathématiques. Il y a une logique, un Logos. Et nous-mêmes, nous savons que si nous sommes vivants, c'est parce que nous sommes des êtres parlants et parlés. Il faut donc faire attention à ce que nous disons. Tournez sept fois la langue disent les sages. Car "C'est aux conséquences du dit que se juge  le dire." (Lacan)
Puisque Dieu est Parler ou Parole, les chrétiens devraient être des amoureux du dialogue, des artisans de la communication qui fait communauté. "Il a parlé par les prophètes." dit l'Epître aux Hébreux. Comment comprendre que des chrétiens se refusent de parler, de dialoguer pour se connaître mieux ? Car il ne suffit pas de naître. Il faut renaître par la Foi, connaître par l'Amour. "On ne connaît que d'Amour." (Ste Catherine de Sienne)  Et quiconque dit "Je connais Dieu" doit le reconnaître dans ses frères et sœurs en les aimant, en les accueillant pour la Vie, dans la Vérité et la Paix. Vous comprenez pourquoi le Pape François a écrit dans Fratelli Tutti : "Au nom de Dieu, nous déclarons adopter la culture du dialogue comme chemin."
Si maintenant vous voulez quitter la maison du Nouveau-né, vous savez quel chemin vous devez prendre. Il sera de Vie, de Paix, de Joie, de chants pour les merveilles de Dieu vus dans ses yeux.
Pourriez-vous alors dire comme Isaïe : "Le Seigneur a montré la sainteté de son bras aux yeux de toutes les nations." ? Ne me dites pas que cela va sans dire. C'est encore mieux de le dire, car vous en êtes les messagers. "Ah qu'ils sont beaux les pas de ceux qui portent la Bonne Nouvelle !"
 
 
Père Jean Parfait CAKPO
Homélie de la Nativité du Seigneur.
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