PAROISSE ST THOMAS DE LA TOUQUES
FÊTE DE LA MER à TROUVILLE - Dimanche 28 Juillet 2024
"... Cinq pains, deux poissons, c'est trois fois rien pour une foule affamée.
Pour le jeune garçon, c'était sans doute beaucoup ; heureusement qu'il les a donnés !
Jean l'évangéliste a bien noté les pains d'orge, mais il ne dit pas de quels poissons il s'agit. Ici, à Trouville, ce ne peut être que du maquereau, même en cette période de petites marées.
Un restaurateur breton amoureux de la mer propose à ses clients des assiettes où sont servis uniquement des produits de la mer... poissons, araignées, algues...
Pour lui, il y a là une conviction de philosophie fraternelle ; il voit dans l'assiette une égale noblesse entre la viande et le poisson, comme il y a une égale noblesse entre les hommes et les continents que la mer unit.
Il est vrai que la mer offre une clé sans pareille pour comprendre le monde, ses règles comme ses dérèglements.
Règles difficiles pour les marins-pêcheurs.
Comment naviguer, pêcher dans un espace de plus en plus restreint ?
L'accaparement des mers les dépossède de leur territoire-mer...ritoire !
Les restrictions d'espace sont connues : champs d'éoliennes de Fécamp à bientôt Courseulles... aires marines protégées, conséquences du Brexit, quotas pour préserver la ressource, tout cela impacte leur travail et donc leur existence de marins-pêcheurs à des degrés divers selon les embarcations. Une lueur viendrait du Royaume Uni qui semble esquisser un rapprochement avec la Communauté Européenne pour alléger les décisions drastiques de pêche dans leurs eaux.
La mer, une clé pour comprendre le monde, ses règles et les dérèglements que tous observent du réchauffement climatique ; les marins sont les premiers à prendre le pouls des changements climatiques. Le drame de l'immigration, dérèglement mortel ; chaque semaine, de nouveaux naufrages dans les Hauts de France ; les équipes SNSM sont éprouvées de ce qu'elles voient.
Sur un autre plan, je n'oublie pas l'épreuve des équipes locales au moment du naufrage du Breiz et le procès de Juin dernier.
Il y a 2000 ans, la mer de Galilée était sans doute plus poissonneuse qu'aujourd'hui. Les évangélistes racontent ces pêches abondantes qui sont leur base d'écriture des actes puissants du Seigneur.
Les pêcheurs nourrissaient ainsi toute une population ; on peut comprendre l'attente des gens d'un prophète, d'un sauveur qui expulserait l'armée romaine d'occupation et ses conséquences : beaucoup sans travail, d'autres s'enrichissent, d'autres encore se contentent de leurs miettes.
C'est ce que donne à penser le récit de St Jean : les gens avaient faim, hommes, femmes, enfants, au temps même de Jésus.
"Donnez-leur du pain !" c'est le cri du prophète dans la 1ère lecture.
Au temps d'Elisée, vers 800 avant J.C., la faim régnait en Israël : un homme vient alors auprès du prophète et lui apporte 20 pains d'orge et du grain frais dans un sac... donne-le à tous ces gens pour qu'ils mangent, car ainsi parle le Seigneur : "On mangera et il en restera !"
Manger, c'est tellement banal.
Manger, c'est ne pas mourir !
Sauf que dans une centaine de pays à travers le monde, le Programme Alimentaire mondial de l'ONU vient chaque jour au secours de millions d'hommes, de femmes, d'enfants qui souffrent de la faim. C'est aussi une arme de guerre d'affamer des populations martyres...
Ici, dans notre pays, les banques alimentaires, les restos du cœur, Emmaüs, les Conférences St Vincent de Paul (en pause en ce moment à la paroisse), s'activent pour que les plus précaires mangent à leur faim.
On peut craindre que des êtres humains, des frères et sœurs, souffriront demain comme hier, de la faim... multiplication des pains ou multiplication de la faim ?
"Donnez à manger à ces gens" s'écriait le prophète.
"Faites asseoir ces gens" dit l'évangile de Jean.
Et, après avoir reçu les 5 pains et 2 poissons, Jésus les fit distribuer à la foule.
Le geste de rompre permet de partager, comme le fit Jésus sur le bord de la mer de Galilée.
On rompt le pain pour le donner.
Comme Jésus, au cours de la Cène, avant la Pâque.
Le pain se rompt, se distribue. Et c'est un choc de craquer le pain, de faire de 1, deux, trois, quatre morceaux ... c'est reconnaître que le pain n'est pas vraiment à nous, même si nous l'avons fait ou acheté. C'est reconnaître que toute nourriture est miséricorde de Dieu pour le monde des humains.
Et le premier d'entre les hommes, leur frère, remercie le Père.
"Après avoir rendu grâce ..."
Qui sait si rompre le pain n'est pas l'acte le plus important de sa vie, le plus engageant, puisqu'il s'y identifie : "Ceci est mon corps ... mon sang ..." dans un geste ultime d'amour pour la multitude.
"A la vue du signe ... sur le point de le faire roi ", de le prendre de force, de le récupérer, accaparer ... Jésus se retire seul dans la montagne ...
Une manière subtile de Jean pour dire au lecteur quel est le sens des signes que Jésus pose.
Qui est-il ?
Il est le parler-Dieu ; le langage de Dieu. Ce qu'il fait ne peut être que Parole.
Tous le reconnaissent à ses actes : il est venu donner un autre pain, le pain du Ciel, pain de l'amour fraternel : 12 paniers pleins !
Des 5 pains et 2 poissons, Jésus a fait quelque chose d'infini pour offrir à tous pain de vie, vin d'alliance, communion qui fait de nous, de notre assemblée, déjà, des frères et sœurs.
Le jeune garçon, c'est nous tous ; à notre tour, avec notre petit bien, bien nourris, installés dans la vie, nous sommes invités à nourrir la faim matérielle de ceux qui manquent, sans pain, sans toit, sans vêtements, sans amis, sans pays ...
Et ainsi, réparons le monde, la mer, la terre et le ciel de Dieu.
Pour Trouville, ses habitants, ... que la fête d'aujourd'hui soit sans faim pour une fête sans fin !
Père Georges VIMARD