Quatre méditations pour cheminer vers Noël avec le Cantique des créatures.
01 déc. 2024Quatre méditations pour cheminer vers Noël avec le Cantique des créatures.
Pour vivre chaque dimanche de l’avent, Éric Bidot, ancien ministre de la province de France des Frères mineurs capucins, nous offre une méditation en écho avec le Cantique du Poverello.
1er dimanche de l’avent : s’émerveiller avec frère Vent
François prête sa voix à la création qui célèbre son Créateur. Loué sois-tu mon Seigneur par frère Vent, symbole du souffle créateur qui soutient toutes choses dans l’être. S’adressant aux oiseaux, François les invite à louer Dieu pour la liberté de voler, l’élément de l’air, les fleuves et les arbres… « Il vous aime beaucoup votre Créateur, puisqu’il vous accorde tant de bienfaits. Aussi, gardez-vous mes frères du péché d’ingratitude, mais appliquez-vous à louer Dieu. »
Physiquement, François marche au milieu des oiseaux. Symboliquement, il se considère parmi les éléments de la création, quittant sa superbe pour se reconnaître créature parmi les créatures. Ainsi, il prend le temps de remarquer et de nommer la beauté de chaque élément dans sa réalité sensible et rude. Tout est là, simplement, comme une épiphanie de l’être, comme un rayonnement de l’Être.
Les mains vides, le regard purifié, le cœur incliné, François est réjoui par tant de splendeur et perçoit la beauté du Créateur. « La bonté qui est à la source de toutes choses et qui sera un jour tout entière en toutes choses, dès cette vie déjà apparaissait aux yeux du saint, tout entière en toutes choses » (Vita secunda, de Thomas de Celano). Ouvrons les yeux, en chaque créature, admirons son Auteur et référons au Créateur les qualités que nous découvrons à chaque créature. La fraternité est inséparable d’une expérience de sympathie et de participation affective à tout ce qui est sorti de la main de Dieu, Trinité créatrice.
2e dimanche de l’avent : incarner avec notre sœur mère la Terre
La pauvreté épousée par François l’a conduit à une relation gratuite avec les personnes et les créatures. Prenant ses distances avec une mentalité utilitariste et un comportement de propriétaire, il rencontre, accueille, perçoit chaque créature pour elle-même. Ainsi en est-il de son évocation de la Terre, qualifiée de « mère ». La mère donne la vie et prend soin de la vie. La Terre nous nourrit et nous gouverne, selon les mots du Cantique. Elle nous offre ses fruits et nous enseigne par et dans la réalité de sa consistance.
Si nous sommes tentés de nous émanciper de la Terre en fuyant le réel le plus humble de notre condition, elle se rappelle à nous comme une sœur avec laquelle nous avons la vie en commun. Si nous l’exploitons outre mesure, elle se rappelle à nous comme une mère, certes affectueuse, mais aussi en capacité de nous réveiller sur l’essentiel de notre humanité inscrite dans le temps et l’espace.
En 1223, François veut célébrer Noël dans une grotte, au milieu de la paille : « Je veux évoquer en effet le souvenir de l’Enfant qui naquit à Bethléem et de tous les désagréments qu’il endura dès son enfance ; je veux le voir, de mes yeux de chair, tel qu’il était, couché dans une mangeoire et dormant sur le foin, entre un bœuf et un âne » (Vita prima, de Thomas de Celano). Il veut que ses cinq sens participent au souvenir de la naissance du Fils de Dieu, s’attachant à la réalité concrète de l’Incarnation : « La terre a donné son fruit ; Dieu, notre Dieu, nous bénit » (Psaume 66).
3e dimanche de l’avent : consoler avec frère Feu
Alors que l’obscurité vient, le feu éclaire. Alors que le froid tombe, le feu réchauffe. Alors que nous perdons le goût de vivre, le feu danse sous nos yeux… Le feu, que François qualifie de « beau, joyeux, indomptable et fort », est le consolateur dans nos nuits.
Certes le feu détruit, et des espaces immenses, mais François est fasciné par ces flammes, qu’il voit comme le symbole du désir profond animant chacun : la puissance de vie (eros) qui nous habite, mais qui est menacée par le chaos, peut devenir amour (agapè), qui est donation et accomplissement de la force de vie qui nous traverse.
Ainsi regardé, frère Feu exprime la puissance d’aimer qui nous constitue et qui devient lumineuse : un « oui » au don de la vie reçue pour être partagée en attention et compassion, à la manière de Jésus, Emmanuel, Dieu avec nous. La consolation qui s’offre alors concerne avant tout l’espérance, elle est orientée vers l’avenir, elle met sur le chemin, elle permet de prendre des initiatives qui jusqu’alors avaient toujours été reportées, ou même pas envisagées.
Comme frère Feu, comme chacune des belles choses que nous rencontrons et qui nous chantent « Celui qui m’a fait, celui-là est le Très Bon » (Vita secunda, de Thomas de Celano), nous pouvons être des messagers de la consolation de Dieu si nous expérimentons la joie d’être consolés et aimés par Lui. Tant de situations demandent notre témoignage consolateur !
4e dimanche de l’avent : réconcilier avec sœur Lune et sœur Eau
Au fil du Cantique, François n’a que le mot « frère » et « sœur » à la bouche : les éléments ne sont plus agressifs ou dominants, ils témoignent d’une commune appartenance au monde créé. L’atmosphère est paisible… réconciliée. N’est-ce pas cependant loin de notre expérience quotidienne, à l’heure des inondations et des sécheresses éprouvantes ?
À côté d’évocations « viriles », François mentionne des réalités plus humbles et discrètes, telles sœur Lune et sœur Eau. « Cette alternance révèle une âme ouverte à toutes ses puissances : non seulement aux puissances rationnelles d’action et de conquête, mais aussi aux puissances instinctives et affectives d’accueil et de communion », écrivait Éloi Leclerc dans le Chant des sources. Avec sœur Lune et les étoiles, « claires, précieuses et belles », et sœur Eau, « utile, humble, précieuse et chaste », François entend engager la relation en pauvre, dépendant, reconnaissant, plein de gratitude pour l’autre, sa présence, sa beauté, son rayonnement propre.
Ce chemin de pauvreté ouvrant à la réconciliation est celui de Jésus, le Fils de Dieu venu dans la chair, partageant notre humanité sans perdre sa divinité : il s’est fait le serviteur de toute personne pour révéler le grand amour de Dieu, amour qui fait tenir dans l’être toute créature. « Voyez, frères, l’humilité de Dieu, et faites-lui l’hommage de vos cœurs. Humiliez-vous, vous aussi, pour pouvoir être exaltés par lui. Ne gardez pour vous rien de vous, afin que vous reçoive tout entiers Celui qui se donne à vous tout entier », écrira François à ses frères et à nous qui le lisons.
Quatre méditations pour cheminer vers Noël avec le Cantique des créatures
Pour vivre chaque dimanche de l'avent, Éric Bidot, ancien ministre de la province de France des Frères mineurs capucins, nous offre une méditation en écho avec