« JESUS FUT EMMENE AU DESERT POUR ÊTRE TENTE » . » ( Mt 4,1-10)

Sur le chemin de la sainteté nous rencontrons la tentation, de multiples tentations. Jésus, lui-même, a connu la tentation. Il vient d’être baptisé et d’être déclaré « Fils de Dieu », alors Satan, l’adversaire, celui qui se met en travers de la route, le père du mensonge, le diviseur, vient le mettre à l’épreuve pour voir s’il va vraiment vivre en Fils de Dieu. Jésus commence sa vie publique, sa mission parmi les hommes. Il fait une retraite pour réfléchir et choisir comment il va conduire sa vie et sa mission. C’est sur ce « comment » que l’adversaire l’attaque.

- Première tentation : « Si tu es le Fils de Dieu ordonne que ces pierres deviennent des pains » suggère l’adversaire. Tentation du messianisme temporel, de répondre en priorité aux besoins matériels des hommes. Jésus répond : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu. ». Le premier objectif de Jésus est de révéler le Père, de le faire aimer… et ainsi, en même temps, de mettre les hommes sur le chemin de leur équilibre, de leur accomplissement et de leur bonheur. Les hommes, en effet, ne sont jamais aussi eux-mêmes et aussi libres intérieurement que lorsqu’ils mettent Dieu au cœur de leur vie, car alors ils accomplissent leur vocation profonde. Jésus fait le choix d’annoncer d’abord le Père et sa Parole qui constituent la première des richesses, richesse qui fait grandir l’homme intérieur, richesse qui conduit l’homme à partager avec ses frères et sœurs le pain et toutes les richesses matérielles nécessaires à la vie.

Benoît XVI commentant cette tentation écrit : « Il s’agit du primat de Dieu. Il s’agit de le reconnaître comme réalité, une réalité sans laquelle rien d’autre ne peut être bon. L’histoire ne saurait être gouvernée par de simples structures matérielles faisant abstraction de Dieu. Si le cœur de l’homme n’est pas bon, alors rien ne pourra le devenir. Et la bonté du cœur ne peut venir que de Celui qui est Lui-même la bonté, le bien… C’est seulement là où l’obéissance à la Parole de Dieu est vécue que naissent et grandissent les sentiments qui permettent aussi de procurer du pain à tous ». (Jésus de Nazareth p.53-54). La tentation du matérialisme, nous la connaissons bien, elle nous menace toujours. Nous sommes toujours tentés de remplir nos journées, nos vies, de gadgets, de choses, de divertissements superficiels, alors que l’essentiel est d’être riche dans son cœur et de remplir nos vies de Dieu et de l’accomplissement de sa volonté. La tentation du matérialisme, de ne pas tenir compte de Dieu dans l’organisation de notre vie et dans nos prises de décisions, nous la connaissons. Un chrétien, lorsqu’il a une décision de quelque importance à prendre, devrait se tourner vers le Seigneur et se poser devant Lui cette question : « Qu’attends-tu de moi, Seigneur, là, dans ce que je vis maintenant ? ». La tentation de mettre Dieu à l’écart peut réellement exister dans nos vies. Elle peut s’insinuer peu à peu en ne prenant plus le temps de la prière ni de nourrir notre foi. Celle-ci, lorsqu’elle n’est plus nourrie, risque de s’affaiblir, voire disparaître. Dans nos vies, le temps prévu pour Dieu n’est-il pas souvent utilisé à d’autres occupations ? Lorsque nous sommes prêts à prier n’avons-nous pas tendance à nous trouver d’autres tâches prétendues urgentes à assumer ? La tentation du matérialisme, de la mise à l’écart de Dieu, de l’abandon de la foi est bien là. Re-choisissons toujours de mettre le Seigneur au cœur de notre vie et d’être à l’écoute de sa Parole. Pourquoi ne pas noter sur nos agendas nos rendez-vous avec le Seigneur, comme nous y notons tous nos rendez-vous importants, et nous y tenir avec rigueur. Dans la vie spirituelle une rigueur certaine est incontournable.

- Deuxième tentation. Le tentateur place Jésus au sommet du temple et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : « Il donnera pour toi des ordres à ses anges et sur leurs mains ils te porteront. »… c’est la tentation d’accomplir des gestes spectaculaires qui lui assureraient un succès facile auprès des foules… mais laisseraient les hommes les mêmes qu’avant. Jésus fait un autre choix : l’important pour Lui n’est pas d’être admiré mais de toucher les cœurs et de les changer. Il choisit la fidélité exigeante à sa vraie mission. Jusqu’au bout il refusera la tentation de susciter l’admiration par du spectaculaire et choisira d’accomplir sa véritable mission. Cette tentation du spectaculaire s’accompagne de la tentation de demander à Dieu des interventions supprimant toute difficulté liée à la condition humaine et supprimant tout combat pour vivre la fidélité. « Il donnera pour toi des ordres à ses anges… » Jésus répond : « Il est écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». Mettre Dieu à l’épreuve a deux sens dans la Bible : lui désobéir pour voir jusqu’où ira sa patience… ou le mettre en demeure de servir nos intérêts. La tentation du spectaculaire et la tentation de demander au Père d’accomplir des prodiges lui permettant d’échapper à la condition humaine, aux limites et aux combats liés à la condition humaine, Jésus les connaîtra de nouveau sur la Croix : Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix » (Mt 27,40). Jésus refuse, Il veut être fidèle à la condition humaine et assurer les combats inhérents à la condition humaine. Nous connaissons parfaitement la tentation du paraître, de la recherche de ce qui brille alors que l’essentiel est d’être riche dans son cœur. Cette tentation s’exprime par le besoin de se mettre en avant, de se faire le centre du monde, de se faire remarquer alors que l’essentiel est ailleurs. Certes, chacun a besoin d’être estimé et reconnu mais il ne faut pas être prisonnier de ce besoin, au point de toujours se préoccuper de ce que pensent et disent les autres de nous. Don Marie-Gérard DUBOIS écrit : « Il arrive un âge où l’on devrait réduire notre dépendance du regard d’autrui. C’est notre conscience qui nous juge, le seul regard qui nous construit vraiment est Celui du Père des cieux sur nous. Notre valeur actuelle, notre consistance propre dépend-elle vraiment de ce que pensent les autres ? Que connaissent-ils de nous ? Et en quoi leur mépris éventuel nous diminuerait-il ? ou en quoi leur bonne appréciation nous donnerait-elle de la valeur ?… La quête légitime de reconnaissance ne doit donc pas envahir tout notre champ de conscience ni être la motivation principale de nos comportements » (La joie en Dieu p.168). Nous rencontrons aussi la tentation de mettre Dieu à notre service… réagissons en nous mettant, nous, à son service . Lorsque nous rencontrons la tentation de fuir nos tâches difficiles ou de nous dérober à nos engagements, choisissons la fidélité tenace. Lorsque nous rencontrons la tentation de demander à Dieu de nous sortir, par miracle, des impasses dans lesquelles nous nous sommes engagés, d’écarter de notre chemin tout obstacle, demandons-lui plutôt la force de la fidélité dans nos combats.

- Troisième tentation. Le tentateur place Jésus au sommet d’une montagne et lui montre tous les royaumes en disant : « Tout cela je te le donnerai, si te prosternant tu me rends hommage ». C’est la tentation du pouvoir et de la domination que Jésus connaîtra à nouveau après la multiplication des pains . (Jn 6,15). Beaucoup de ses contemporains attendaient un Messie qui redonnerait du prestige à Israël et lui assurerait une domination sur les autres nations. Jésus donne sa réponse par toute sa vie. Il est venu pour servir, pour faire advenir le Royaume de Dieu dont la grande loi est l’amour impliquant le service réciproque. Jésus réplique au tentateur « Retire-toi, Satan, car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras et à lui seul que tu rendras un culte ». (Mt 4,10). Dieu, unique référence, Dieu toujours servi. La tentation de dominer, voire d’user de la force pour nous imposer, nous la connaissons mais nous avons à mettre le service au cœur de notre vie, en toutes circonstances. Il est sain d’accéder à des responsabilités, cela fait partie d’une vie humaine, mais que ce soit pour servir les autres et favoriser l’épanouissement de leurs possibilités. Au mot responsabilité est lié celui d’autorité. Autorité vient du latin « augere » qui veut dire « augmenter ». L’autorité vise à favoriser l’épanouissement des possibilités des autres. Nous pouvons connaître la tentation de vouloir toujours avoir le dernier mot, au point de nous mettre en colère. Le P. Marie-Gérard DUBOIS remarque : « Les colères proviennent souvent de ce qu’on ne supporte pas que les autres pensent ou fassent autrement que nous. Moins d’ailleurs par souci de la vérité que parce qu’on est vexé de ne pas avoir raison. Quelqu’un posa un jour une question au P. CARRE : « Qu’est-ce qui vous a le plus surpris au cours de votre vie ? » - « Peut-être, répondit-il, de rencontrer tant de gens qui n’avaient jamais tort »(La joie en Dieu p.168). Devant la tentation il nous arrive, o combien, de tomber. Une autre tentation surgit : celle de rester à terre, de se décourager. L’important dans la vie spirituelle est de ne pas rester à terre, de ne pas se décourager, de recommencer toujours son chemin. Nous ne pouvons pas prendre notre parti de la médiocrité. Il faut repartir sans cesse, en implorant l’Esprit Saint.

Père Michel MARIE

Jésus fut emmené au désert pour être tenté.
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