« SI QUELQU’UN VEUT VENIR A MA SUITE… QU’IL PRENNE SA CROIX ET QU’IL ME SUIVE» . » ( Mt 16,24 – Mc 8,34 – Lc 9,23 )

Un jour Jésus demande à ses disciples : « Que dites-vous que je suis ? Pour vous qui suis-je ? » (Mt 16,15). Pierre répondit alors : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Jésus annonce alors à ses apôtres qu’il doit aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, être mis à mort, et le troisième jour ressusciter. Il ne cherche pas la souffrance mais Il sait que ce qu’Il dit et fait provoque l’hostilité.

Il prend quelque liberté à l’égard du sabbat. Alors que selon la loi toute activité est interdite ce jour-là, Il se permet de secourir quiconque a besoin d’être secouru. Certaines guérisons s’achèvent ainsi : « Ils cherchaient le moyen de le faire périr ». (Mc 3,6). Il conteste les institutions qui privilégient une religion des apparences au lieu de mettre l’accent sur la conversion du cœur.(Mt 15,19). Il fréquente beaucoup de pécheurs notoires et cela lui vaut des inimitiés. « Il est allé loger chez un pécheur ». (Lc 19,7). Il dénonce l’attitude de ceux qui utilisent leur pouvoir pour dominer et dit : « Le plus grand est celui qui se fait serviteur ». (Mt 20,20.28). Il critique ce qui se passe au temple de Jérusalem et conteste donc ses dirigeants : « Vous faites de la maison de mon Père une maison de trafic ». (Jn 2,13.22).

Surtout il pardonne les péchés, ce qui appartient à Dieu, qui seul peut pardonner le péché, qui par définition l’atteint (Mt 9,1.8). En pardonnant les péchés Il se présente donc comme étant Dieu. Il se présente comme Dieu qui se fait proche, qui se fait homme. Ce qui est inacceptable pour ses compatriotes qui le traitent de blasphémateur et le condamneront comme blasphémateur. (Mt 26,65.67).

Jésus dérange. Il bouscule les façons habituelles de penser, de vivre et de croire. Il sait ce qu’il risque. L’ évangéliste Luc dit qu’à un moment de son itinéraire « Jésus prend avec courage la route de Jérusalem ». (Lc 9,51). Il sait ce qui l’attend là-bas : l’arrestation, la condamnation, la croix. Il prend la route avec courage. Il veut être fidèle à ce qu’Il a à dire et à faire, quelles que soient les souffrances à endurer. Il se comporte en homme qui assume pleinement sa mission avec les risques qu’elle comporte. Il répond à l’appel de son Père qui ne veut pas qu’Il souffre ni qu’Il meure… mais qui attend de Lui qu’Il soit fidèle à sa mission, fût-ce au risque de la souffrance et de la mort.

Il vit l’offrande de Lui-même et fait de sa mort un acte d’Amour. « Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne. » Jésus meurt en aimant. La croix qui était chez les juifs symbole d’une mort humiliante devient signe d’une victoire, la victoire de l’Amour. St Paul écrit aux Corinthiens : « J’ai décidé de ne rien savoir parmi vous sinon Jésus-Christ crucifié ». (1Co 22,2) et aux Galates : « Pour moi jamais d’autre titre de gloire que la Croix de notre Seigneur Jésus-Christ ». (Ga 6,14). Cette mort par amour sur la croix va porter du fruit. Jésus va ressusciter et faire se lever au fil des siècles une foule innombrable d’hommes et de femmes qui vont œuvrer à sa suite à l’avènement d’un monde nouveau et ressusciter avec Lui.

Jésus après avoir annoncé sa mort dans la souffrance ajoute : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».

Le chrétien, comme son maître, ne cherche pas la souffrance, surtout pas, mais comme son maître il a à cœur d’être fidèle à son idéal de vie, à la volonté du Père, même si cette fidélité doit passer par quelque souffrance, par la croix. Le serviteur n’est pas au-dessus de son maître. La croix se situe au cœur de la fidélité parfois difficile et coûteuse. C’est là qu’elle doit être assumée.

Par le Baptême nous sommes plongés dans la mort et la Résurrection de Jésus. Jésus, en mourant, a vaincu le péché, Il ne lui a laissé aucune prise dans son cœur. Puis Il est ressuscité. Nous sommes plongés dans la mort de Jésus, ce qui veut dire que nous avons, avec Lui, à vaincre le péché, et de même que Jésus l’a vaincu par la Croix, de même nous ne pouvons le vaincre qu’en passant par la croix, par le combat. Jésus, après avoir vaincu le péché, est ressuscité. De même lorsque nous sommes vainqueurs du péché nous sommes en train de ressusciter. La croix est plantée au cœur de notre vie de Baptisés.

Par le Baptême nous entrons dans un mouvement de mort au péché pour ressusciter à une vie nouvelle. Ce mouvement passe par la croix. Jésus nous a laissé la Parole de Vie, une Parole à vivre. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toutes tes forces… et ton prochain comme toi-même » - « Aimez vos ennemis » - « pardonnez » - « Nul ne peut servir Dieu et l’argent ». Il nous a laissé le merveilleux message des béatitudes à vivre dans notre quotidien.

Vivre la Parole de Jésus qui nous humanise et nous fait vivre en enfants de Dieu ne peut se faire sans combattre. La croix est plantée là, dans notre mise en œuvre de la Parole de Jésus. Un jour quelqu’un demande à Jésus : « Seigneur, n’y aura-t-il que peu de sauvés ? » (Lc 13,22.30). C’était une question qui préoccupait beaucoup en Israël au temps de Jésus, une question qui pouvait alimenter un interminable débat. Peu intéressé par les débats d’idées mais par la manière de vivre de chacun, Jésus répond par un appel à la conversion. « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. Large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition et nombreux sont ceux qui s’y engagent, combien étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la vie et peu nombreux ceux qui le prennent ». (Mt 7,13.14). « Efforcez-vous »… Jésus dit bien « vous » pour montrer qu’Il renvoie chacun à sa vie personnelle et concrète et non à un débat d’idées. Ce qui est premier pour Lui est la manière de vivre et l’énergie déployée à se convertir. La réponse de Jésus à la question : « Y aura-t-il peu ou beaucoup de sauvés ? » signifie en définitive : le Père veut que vous soyez sauvés… mais vous, le voulez-vous vraiment ? et faites-vous ce qui est nécessaire ?

Vous êtes appelés à vivre pour l’éternité au cœur du brasier de l’amour de Dieu mais maintenant laissez-vous le feu de l’amour de Dieu prendre en vous ? Vous êtes appelés à vivre pour l’éternité dans le Royaume de Dieu où il n’y a qu’amour, mais essayez-vous de vivre maintenant l’amour pour Dieu et les autres ? « Efforcez-vous »… Jésus sollicite notre décision libre et ferme. « Efforcez-vous », le temps presse, il ne faut pas remettre à plus tard. Plus tôt nous prenons le chemin de la conversion plus tôt nous sommes sur le chemin d’un bonheur profond et indestructible. « Efforcez-vous », Jésus invite à porter la croix.

Au moment où Il dit cela, Il est sur la route de Jérusalem où Il va vivre le combat de l’amour et de la fidélité à sa mission. Parce que Lui-même combat Il peut nous dire « Efforcez-vous ». La croix est bien là dans notre combat pour vivre la conversion. St Paul écrivait à son ami Timothée : « Combats le beau combat de la foi » (1 Tm 6,12). Chacun peut se demander : pour avancer sur le chemin de la conversion quel est mon combat pour moi ? Quel combat dois-je accepter ? La bonne question n’est pas « beaucoup de sauvés ? Peu de sauvés ? » mais comment mieux suivre le chemin de Jésus ? Suis-je prêt à porter la croix, maintenant, pour suivre Jésus ? Jésus dit : « Je suis venu apporter un feu sur la terre et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ». (Lc 12,49). Le feu qu’Il est venu allumer sur notre terre est le feu de l’amour de Dieu qui éclaire la vie et lui donne du sens, le feu qui réchauffe le cœur, qui transfigure l’homme dans son cœur et dans ses comportements, le feu qui dynamise et ranime l’espérance… le feu que ressentaient les disciples d’Emmaüs : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous tandis qu’Il nous parlait en chemin ? ». Ce feu, Il nous demande de le laisser prendre en nous au lieu de rester dans une douce et redoutable tiédeur. Laisser ce feu exigeant prendre en nous nécessite d’accepter la croix. Jésus ajoute une parole surprenante : « Pensez-vous que je suis venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis mais plutôt la division ». Ces paroles sont dans la suite logique de la précédente.

L’Evangile n’est pas de « l ‘eau de rose », il est un feu et son annonce dans un monde marqué par une culture de médiocrité, de violence et de mort, provoque des réactions différentes, d’accueil ou d’hostilité. Les uns accueillent et les autres rejettent. Des divisions émergent. Si nous nous laissons saisir par le feu de Dieu, nous sommes amenés à faire des choix qui déplaisent, dérangent et suscitent l’opposition. Nous sommes amenés à avoir un style de vie qui nous sépare des autres, voire de nos proches, c’est une situation difficile, inconfortable, que Jésus nous demande d’assumer. La croix est là. Jésus par sa parole et son action s’est heurté à l’incompréhension de sa famille, des foules versatiles, des disciples qui ne comprenaient pas bien, à l’hostilité grandissante des autorités de son pays. Depuis vingt siècles ceux qui se sont laissé brûler par le feu de Dieu ont dérangé et connu l’opposition, voire la persécution. Il en est toujours ainsi et il ne peut pas en être autrement. La croix est là. Ecoutons bien Jésus nous dire : « Si quelqu’un veut me suivre qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Père Michel MARIE

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