Après les attentats, les catastrophes climatiques et les grèves de transports, voilà qu’une crise sanitaire nous atteint de l’intérieur, dans notre propre corps. Faut-il voir à travers cette crise et ce confinement une invitation à stopper notre course effrénée pour se ménager un moment de réflexion et méditer ?
Il est certain que ce coup d’arrêt nous oblige à réviser profondément les orientations de la planète et nous invite au recueillement. Non pas un repli égoïste, mais un recueillement plein de maturation pour l’avenir. Ce qui nous arrive n’est pas un châtiment divin, mais un avertissement historique dont nous devons exploiter, si paradoxale soit-elle, l’énergie motrice.
N’est-ce pas aussi le moment de faire une retraite improvisée et d’accueillir deux compagnons de route que nous négligeons dans nos vies trépidantes : la solitude et le silence ?
Ces deux compagnons de route sont en effet indispensables, et notre boulimie de vivre nous les fait trop oublier. C’est le moment de penser au conseil de l’Evangile : « Pour toi, quand tu pries, entre dans ta chambre et prie ton Père dans le secret » (Mt 6, 6). Pas de marche au-dehors qui ne soit précédée et accompagnée sans cesse par une démarche au-dedans.
Avez-vous des lectures à conseiller pour nourrir cette méditation ?
Personnellement, je conseillerais de pratiquer cet exercice monastique qui s’appelle la « lectio divina », c’est-à-dire la lecture attentive et savoureuse des Ecritures, qui peut et doit s’ouvrir sur un échange avec les amis et les proches. Il nous faut trouver des infinis pour supporter le confinement. Explorer aussi les horizons de la littérature, de la musique…
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À part la lecture, pouvez-vous nous donner quelques conseils pour continuer à cheminer, à méditer, tout en restant chez soi en cette période de confinement ?
Peut-être en observant la vie de la nature proche qui nous entoure, qui nous attend, et avec laquelle cette grande panne de la civilisation industrielle permet de renouer ! Au jardin, au potager ou au balcon, le regard émerveillé est un premier pas, une promesse de pas à venir.
Ce virus contagieux, qui s’est répandu dans le monde entier, nous rend tous co-responsables et solidaires. N’est-ce pas le moment de retrouver au quotidien la fraternité, la communion spirituelle, si naturelles sur les chemins de pèlerinage ?
Oui, en ce moment, nous sommes en marche ensemble, dans un coude à coude inouï, dans un pèlerinage de solidarité et d’espérance vers une nouvelle étape de l’histoire humaine, vers un « être-plus », comme eût dit le Père Teilhard de Chardin (à lire et relire, lui aussi !). Le confinement nous fait habiter des infinis oubliés ; il décuple aussi nos capacités de relations humaines. Devenons des artistes de la relation neuve. Voici quelques suggestions de gestes concrets : le partage des tâches ménagères qui, d’ordinaire, sont assurées par un seul ou une seule, le souci de faire signe de vie à tel ami(e) que l’on n’avait pas contacté depuis longtemps, de s’enquérir de tel ou tel, ou encore de trouver d’autres matières à partager entre proches et amis, plus profondes, plus empathiques.
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Vous prêchez souvent sur la cohérence de la vie. Voyez-vous d’autres pratiques à appliquer à cette situation, pour rester en cohérence avec la philosophie de l’homme-pèlerin ?
L’homme qui marche tient solidement sur ses pieds et regarde l’horizon : il nous faut grandir en réalisme, en sens des responsabilités, en rigueur dans l’application des mesures d’hygiène, et regarder d’ores et déjà, avec espérance et joie, vers le monde que nous aurons à construire demain.
Comment envisager le rôle du pèlerin dans le monde qui vient, une fois la crise passée et le confinement levé ?
Tout est matière première, même la souffrance et la mort. C’est la leçon même du Mystère pascal qui est au cœur de notre foi. Cette crise peut nous dépouiller de tout ce qui nous encombrait : le monde de demain voudra des hommes et des femmes qui n’emportent avec eux que l’essentiel et qui s’en feront cadeau.
In Magazine Le Pélerin.