Bénédiction de la mer, Trouville- 23 Juillet 2023.

 

Frères et sœurs, chers amis,

...retour de l’Archipel de St Pierre et Miquelon qui offre ses paysages incroyables, à la rencontre d’une population à l’histoire ancestrale ( venue de Normandie, Fécamp, Granville…)  souvent tragique, avec l’épopée des Terre Neuvas et la grande histoire de la pêche à la morue.

J’accompagnais là-bas l’évêque de la Mission de la Mer pour sa tournée annuelle au cours de laquelle on célèbre la Bénédiction de la Mer.

...D’une fête de la mer à l’autre, j’ai grand plaisir à vous retrouver aux côtés de vos élus et de votre pasteur.

En cette période des fêtes de la mer,ici, à au port de Trouville mais aussi à Merville -Franceville, à Dives sur Mer, Honfleur, et bientôt Port en en Bessin, je  vois se tendre  les pavois des navires d’une flottille à l’autre de  la côte...   

 

SPM est balayé par les vents et les courants venus du Grand Nord, qui laissent des souvenirs de nombreux naufrages ; ici la mer de la Manche est plus hospitalière.

Le 19 Juin jour de la bénédiction de la mer, un épais brouillard nous a empêché d’embarquer ; à peine pouvions-nous  distinguer les bateaux qui apparaissaient, disparaissaient dans la brume, mais quand Dieu, par nos mains, bénit, son geste traverse le plus épais brouillard, lui, Créateur de la terre, du ciel et de la mer, de la beauté  du monde pour la vie des hommes et la ressource de leur nourriture.

«  Il y eut un soir,  il y eut un matin, et Dieu vit que cela était bon «  affirme le poème de la Genése, ce puissant mouvement de création, et pour nous, au jour le jour, chacune, chacun est invité à entrer dans ce dynamisme créateur.

 

Le brouillard n’est pas seulement lié à la météo ; il est aussi dense, épais pour l’       avenir de la pêche et des hommes.

À SPM comme sur les côtes de la métropole, l’espace de pêche ne cesse de se rétrécir.

Sont en cause les Aires Marines Protégées, les champs éoliens, les nécessaires réglementations des quotas, les plans de casse – qu’on appelle gentiment «  sortie de flotte »  conséquences du Brexit, et qui laissent  à terre leurs équipages : «  Un bateau, ça a une âme ! »

Par ailleurs, les deux modes de pêche, hauturière et côtière- comme ici à Trouville- sont nécessaires pour garder l’équilibre de la ressource. 

                                   «  Laissez-nous vivre notre métier, notre passion ! »

Au mois de mars dernier, pendant les trois jours de grève de l’opération «  Ports morts » nous, les aumôniers, avons souvent entendu ce cri de toute la profession.

                                   « Laissez-nous vivre notre passion ! »

 

C’est pourquoi l’Église s’intéresse aux réalités du monde de la mer, aux hommes de la mer, il se joue là la construction  d’une humanité rassemblée au-delà des exclusions, ouverte à la fraternité universelle, signe du Royaume de Dieu. Les marins le savent bien, en pêche, le geste de chacun compte, sait ce qu’il a à faire pour assurer le travail et la sécurité de l’ensemble de l’équipage.

Mais à terre, les impératifs économiques, les bonnes et mauvaises affaires, les jalousies, la fatigue, la tentation du chacun pour soi menacent l’esprit légendaire de la solidarité des gens de mer, cela qui peut attirer les jeunes à s’investir dans le métier.

Mais aujourd’hui,  pour toute la cité trouvillaise et sa vocation maritime, c’est la fête !

Dans l’église des Victoires, regardez...pavois, photos, gerbes de fleurs...le métier est à l’honneur...maquette d’autrefois, nouvelles techniques de pêche...et ces deux petites filles, matelotes!!!de l’équipage de l’Eclipse et du Mistradenn, le bateau amiral, qui vont  dans un instant fleurir la statue de  Marie, l’Etoile de la Mer.

 

C’est au bord de la mer de Galilée, comme la plupart de ses faits et gestes que Jésus annonce le Royaume de Dieu.

L’exemple qu’il donne parle à tous et toutes, tout de suite, sans grands discours, aux paysans et aux marins de son temps.

Aux paysans, les images du bon grain et de l’ivraie ; aux marins, ses premiers appelés, Pierre, André, Jacques, Jean..les images du beau et du poisson pourri.

Jésus raconte, et c’est la suite de notre évangile : «  Le royaume des cieux comparable  à un filet jeté en mer, qui attrape tout – ce serait illégal  aujourd’hui !- et quand il est plein, on le trie sur le rivage, on s’assied pour remplir les paniers de ce qui est beau et rejeter ce qui est pourri. »

Pour parler du Royaume de son Père, Jésus nous rejoint par ces images concrètes : la moisson, la pêche.

Le tri du bon grain et de l’ivraie, du poisson, beau et pourri.

Entendez...ces images nous parlent de nos préférences, nos priorités et nos choix, nos petites et grandes  décisions, la place que nous donnons au Royaume et aux autres, notre capacité à faire le tri,à nous laisser déplacer, à sortir de tout ce que nous avons laissé s’installer dans nos existences .

Et là, il y a toujours l’enjeu de demeurer dans la confiance que Dieu ouvre : «  Laissez pousser ensemble le bon grain et l’ivraie, gardez le bon poisson. » Jésus, l’envoyé du Père, chair de notre chair est chemin de vie où il envoie ses amis incarner en leur personne son Evangile du royaume parmi le bon grain et l’ivraie, les bonnes et les mauvaises marées, ce mal qui accable les plus fragiles de notre société... les victimes des abus dans l’ Eglise, là où on se pince le nez de ce qui est pourri, là où on se salit les mains à toucher l’ivraie …

Choisir le Christ et son Evangile peut entraîner loin dans son combat pour la vérité et la dignité. 

 

A SPM, l’industrie  de la pêche a pratiquement disparu mais j’ai rencontré Agathe, la seule patronne de pêche de l’archipel, avec son compagnon Yoann, lui même fils et petit fils de pêcheur.

Ils ont acheté au Canada un caseyeur – ligneur qu’ils ont baptisé MOLIPA

Molipa, du vieux patois normand Molir

Ne molli pas !

Frères et sœurs chers amis, Jésus nous le dit...ne mollissez pas de son espérance têtue qu’il porte au monde qu’il aime.

 

Dans cette célébration, nous prierons pour tous ceux et celles qui travaillent  à faire vivre la vocation maritime de notre ville : comité des pêches, AFM, SNSM, CAPAC, anciens combattants…

 

Nous prierons aussi pour tous ceux qui ont péri en mer dans l’exercice de leur profession, je pense spécialement à Julien Levesque, 36 ans, le dernier naufrage en Mai à  Port en Bessin.

Mais aussi pour ces milliers de réfugiés qui ont tenté de fuir la misère et l’horreur  des conflits armés et pour qui la mer est devenue leur cimetière, on apprend  que 300 enfants y sont engloutis dans l’indifférence, qui les pleure ?

 

Nous demanderons à Dieu pour la ville de Trouville de garder vivante la conscience de sa vocation , car Trouville SUR MER est ouverte au large.

Nous prierons pour cette paroisse st Thomas de la Touques, avec les mots d’un responsable  de la pastorale de la mer au Vatican :

«  Nous sommes ensemble une Eglise synodale, c’est à dire une Eglise où l’on chemine ensemble.

Ensemble, nous devons aller de l’avant, naviguer ensemble, sans laisser personne derrière nous et nous enrichir les uns les autres. Que personne ne pense qu’il n’a rien à offrir. S’il y a donc un effort  que nous voulons proposer, c’est précisément de vérifier nos façons d’être plus proches, en un échange continu qui rendre votre travail moins éloigné du parcours et de la foi de tous. "

Père Georges VIMARD

Homélie de la Fête de la mer de Trouville sur mer (23 juillet 2023).
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