Homélie du 27e dimanche du temps ordinaire A 14.

Dans cette parabole soigneusement élaborée que Jésus propose à l’approche de sa passion, tout commence par une histoire de confiance : un homme planta une vigne, puis la donna en fermage à des vignerons ». Depuis le livre de la Genèse (1/28-31) nous savons que Dieu confie l’univers qu’il crée, aux hommes pour qu’ils l’aménagent...Dieu confie aussi les hommes les uns aux autres pour qu’ils construisent ensemble un peuple de frères. Depuis notre Baptême il met en nous sa vie pour que nous en favorisions l’enracinement et le développement. Dieu nous a créés créateurs à son image ...créateurs de beauté, de fraternité. Les Sagesses de tous les temps et de toutes les cultures auxquelles Dieu est présent et par lesquelles il enseigne et agit disent que la grandeur de l’homme se mesure à sa recherche du vrai, du bien, du beau.

Dans notre évangile de ce dimanche, il est question de vigne. En Israël la vigne est une culture familière...elle est aussi une image du peuple que Dieu s’est choisi, dont il prend soin et dont il attend des fruits... « Quand arriva le moment de la vendange il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de sa vigne »...Ces mots nous disent que Dieu attend un résultat de son peuple...de nous ! Nous savons que « aimer » ne signifie pas « laisser aller », mais plutôt exiger...ceux Que nous aimons, nous voulons qu’ils donnent le maximum de leurs possibilités, pour leur plus grand bien...Ainsi de Dieu, parce qu’il aime son peuple Il en attend beaucoup...parce qu’Il nous aime Il nous veut toujours meilleurs et bâtisseurs. Dans la parabole de la vigne Jésus nous dit que Dieu prend soin de son peuple...qu’il en attend beaucoup...mais pas de réponse ! Pas de fruits...sinon le fruit amer de l’ingratitude, de l’infidélité, de la violence. Quand l’homme se referme sur lui-même il va tout droit vers l’indifférence, puis vers l’hostilité et la violence...d’où l’énumération de brutalités exercées par les vignerons contre les envoyés du maître. Toute l’histoire biblique...toute l’histoire du monde est faite de ces replis, de ces rivalités qui engendrent la violence...

Il nous faut essayer un jour de comprendre, pas seulement avec notre raison mais avec notre cœur, quelle peut être la déception de Dieu à l’égard de son peuple premier-né...et à l’égard de ce nouveau peuple qu’est l’Eglise...Depuis 2000 ans de christianisme, à côté de belles moissons il y aussi des fruits amers. Notre parabole a un caractère tragique : il est question de vie et de mort...Si nous rejetons Dieu et ses appels...si nous nous replions sur nous, sur notre petit confort matérialiste, notre refus d’engagement, nous passons à côté de la vraie vie, nous nous enfermons dans une culture de mort...mais si nous nous ouvrons à Dieu et à ses appels nous entrons dans la vie, dans une culture de vie, car Dieu est VIE et entrer dans ses vues est entrer dans la vraie vie...La Bible nous place, de la Genèse à l’Apocalypse, devant ce choix. Au cœur de notre parabole si tragique il y a une Parole remplie de douceur « Finalement il leur envoya son Fils en disant « ils respecteront mon Fils »...Au cœur de l’indifférence et de l’hostilité à son égard...au cœur de la violence des hommes entre eux...il y a la miséricorde de Dieu...Il ne donne pas et ne reprend pas au gré de la fidélité ou de l’infidélité des hommes ...Dieu n’est pas fidèle en fonction de notre fidélité...sa fidélité est au-delà de notre réponse ...elle est sans condition et sans faille. A ceux qui ne lui donnent même pas ce qu’ils doivent, Dieu répond en donnant tout...en donnant son Fils. Folie de Dieu ! Sa volonté de nous rejoindre est infiniment plus forte que nos refus. Personne, à vue humaine, n’aurait l’idée d’envoyer son fils bien-aimé à des gens qui ont déjà tué de nombreux serviteurs...Il n’y a que Dieu pour agir ainsi ! Mais cette surenchère de l’amour va, elle aussi, susciter le rejet. Le Fils va être persécuté et être mis à mort. Là, Il vit un immense amour...et met au cœur du monde la seule valeur qui sauve, le don de soi...puis il ressuscite et devient ainsi « la pierre angulaire » d’une vie nouvelle, d’un peuple nouveau. Dieu est vie, puissance de renouvellement intérieur...Il nous donne son Esprit qui est élan de vie et d’amour...à nous de l’accueillir et de lui laisser la liberté d’agir en nous.

Mercredi dernier l’Eglise a fêté Ste Thérèse de Lisieux qui avait grande foi en l’amour de Dieu. Elle a fait de sa vie un accueil de l’amour de Dieu à la manière d’un enfant qui boit l’amour qui lui est donné....et une offrande d’elle-même à l’amour de Dieu. Ce samedi était la fête de St François d’Assise qui le jour de sa rencontre avec Jésus dans l’église de St Damien, rentrait à Assise en gémissant « l’amour n’est pas aimé, l’amour n’est pas aimé ! » Lui-même devenait réponse d’amour à l’amour premier de Dieu. François et Thérèse font partie de la belle moisson de l’Eglise. Nous-mêmes choisissons, comme nous le dit St Paul, tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pûr, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges...nous serons alors les vignerons dont parle Jésus...les nouveaux disciples qui produisent plus de belles récoltes que de fruits amers. L’amour qu’est le Seigneur attend tellement de nous !

Michel Marie

"L'amour n'est pas aimé".
Retour à l'accueil