Homélie du 12ème dimanche du Temps ordinaire B 15.

Dans les pages d’évangile précédant celle-ci, Jésus a parlé en paraboles...les disciples ont été heureux de l’écouter, mais cela ne suffit pas pour être vraiment disciple ...il faut faire un pas de plus...et Jésus dit « Passons sur l’autre rive ». « L’autre rive »...c’est un monde nouveau à découvrir...c’est surtout une autre manière de vivre, faite d’intériorité, de don de soi, d’engagement pour la paix, de confiance et d’espérance... « l’autre rive » c’est un regard nouveau sur la vie et sur la mort... Dans ce mouvement vers l’autre rive, vers le monde qui pense et qui vit autrement, il est question de mer à franchir...

Or dans la pensée juive la mer est considérée comme le lieu où habitent les forces démoniaques hostiles à l’homme et à Dieu...elle est le symbole du mal, de la peur, de la mort...autrement dit, pour aller vers l’autre rive il faut vaincre les forces du mal...les manières médiocres et négatives de vivre. Jésus est sur la mer avec ses disciples...sous l’effet d’une violente tempête elle se déchaîne...autrement dit les forces du mal se déchaînent ...la mort se fait menaçante...Jésus les affronte et les maîtrise en leur disant avec autorité « Silence, tais-toi »...Les apôtres sont étonnés...et tout en comprenant intuitivement que le maître manifeste une puissance divine, ils se demandent « Qui est-il ? »...

Cette question, ils la porteront de longs mois...et Pierre au nom du groupe répondra « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ». Tout au long de l’évangile Jésus nous révèle Qui il est....

Aujourd’hui il nous révèle qu’il est plus fort que le mal et la mort...plus fort que toutes les forces qui s’opposent à Dieu et qui détruisent l’homme... L’évangile nous dit que « d’autres barques le suivent »...c’est le cortège des générations humaines qui suivent, au fil des temps, la barque des apôtres qui est secouée... Nous naviguons dans des tempêtes ...chaque époque a ses bourrasques...malgré les découvertes scientifiques et les progrès techniques l’univers reste inconnu et comporte bien des risques et des menaces...L’homme lui-même se cherche et cherche le chemin pour s’accomplir...bien des idéologies...bien des conceptions de la vie s’offrent à lui et le sollicitent...

Jésus offre un chemin pour devenir homme et enfant de Dieu : aimer sans calcul et sans mesure Dieu et les autres...chemin qui fait passer sur une autre rive...Pour vivre ce passage il faut que soit rompu le lien le plus tenace : la peur de se perdre, la peur de se risquer...Peur qui entraîne le repli sur soi. Au cœur de cette peur, comme les apôtres apeurés dans la tempête, il nous faut nous recentrer sur Jésus, nous engager avec lui, laisser sa force se déployer dans notre faiblesse, pour qu’il nous fasse entrer dans la vraie foi qui n’est pas simple adhésion théorique, mais adhésion qui s’exprime par des actes quotidiens de don de soi, de générosité. L’homme qui cherche son chemin pour s’accomplir n’est-il pas pour lui-même un mystère ?...D’où part l’éclair que nous appelons « l’existence » et vers où se dirige-t-elle ? A vue humaine la vie nous paraît toujours dévorée par la mort...et nous reprendrions bien les paroles des apôtres à Jésus « Maître, nous sommes perdus, cela ne te fait rien ? » La peur tenaille le cœur des hommes de multiples façons...et la peur de mourir est viscérale, clairement exprimée ou diffuse, au point de s’en prendre à Dieu lui-même... Au cœur de cette peur, de cette tempête, Jésus nous invite à la foi « Pourquoi avoir peur ? « Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? »

La foi est une lumière et une force face à l’angoisse fondamentale, l’unique angoisse définitive qu’est la mort. Les signes accomplis par Jésus, les paroles prononcées par Lui sont une invitation à une foi intense...non seulement la confiance que l’on accorde à un maître éblouissant qui nous apprend à bien nous comporter pour progresser ...mais la confiance totale en ce maître de vie qui nous assure que la mort fait partie de ce « monde ancien qui s’en est allé » et n’a pas d’existence « dans le monde nouveau qui est déjà né » comme nous l’a dit St Paul. La tempête, ce sont encore les souffrances quotidiennes ...les échecs...les deuils...les mésententes...au cœur desquelles il nous faut accueillir le Seigneur avec la force et la sérénité qu’il apporte...

Accueillons l’invitation à passer sur l’autre rive...la rive de ce monde fait de don de soi et d’espérance en la vie en Dieu pour toujours. Vivons ce passage en nous recentrant sans cesse sur Jésus vainqueur de tout repli sur soi et vainqueur de la mort...en mettant notre confiance en Jésus qui est l’Amour et la Vie.

Père Michel Marie.

Passons sur l'autre rive...
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